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Jean-Paul Jody : Parcours santé... pour un auteur épuisé

Les larmes du truand n’émeuvent pas

 

Joseph est en prison depuis 6 ans. Contrairement à tous ses coreligionnaires, il ne craque pas. Car une femme l’attend dehors. Depuis quelques années, il correspond avec Mariette dont il est tombé amoureux. Alors, quand l’administration pénitentiaire lui accorde un week-end de permission, il lui donne rendez-vous à la sortie. Mariette, de son côté, vit seule près de La Baule et traduit des romans. Si écrire à Joseph l’a aidée à traverses plusieurs mauvaises passes, elle n’a pas envie de le rencontrer. Pourtant elle prend sa voiture et monte à Paris. Quand Joseph sort, elle se cache sous un plaid. Elle l’observe, il la cherche. A un moment, il pénètre dans sa voiture pour la voler, la croyant vide. Elle se manifeste, sans lui dire qui elle est. Mais accepte de l’emmener à La Baule pour qu’il y rencontre cette Mariette qui ne s’est pas montrée. A aucun moment, il n’imagine que Mariette est à côté de lui…

 

Un tel résumé est digne d’un soap opera à l’américaine, avec les développements sentimentaux les plus redoutables qui soient. Si l’auteur oriente très vite son histoire vers le road movie, il n’en tire finalement pas grand-chose. Car le sujet est court. Vers le milieu du livre, l’histoire tend vers la mise en abyme du personnage de Joseph, qui raconte son itinéraire vers le crime à une Mariette tour à tour fascinée et dégoûtée. Ce roman aurait gagné à être plus centré sur lui que sur Mariette, personnage assez fade qui n’intéresse que racontée par ses amis - la scène entre un nommé Paul et Joseph est d’ailleurs bien écrite. On ressort donc assez déçu…

 

Mais du style malgré tout

 

… Et c’est dommage car on sent chez l’auteur une chose rare : la capacité à écrire noir. Le choix du présent. Ces phrases courtes, ciselés avec la précision d’un orfèvre, montrent bien son potentiel. Récemment, son volume du Poulpe, Vingt mille vieux sur les nerfs, avait amusé, intéressé par son ton décalé et ses côtés humoristiques - qui rappelait par moments Pierre Siniac - ainsi que par la critique sociale qui s’en dégageait en creux. Parcours santé est la preuve que le talent d’un auteur se révèle y compris dans des romans « mineurs » ou ratés, « malades » comme aurait dit François Truffaut d’un Hitchcock mal fichu. Gageons que le prochain roman de Jean-Paul Jody - lisez La position du missionnaire et Sur la route de Gakona - saura mieux nous convaincre que cet exercice de style assez vain.

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-Paul Jody, Parcours santé, Actes Sud, « Babel noir », janvier 2013, 250 pages, 7,70 €

 

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