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La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce : un Pommerat épuré, une spéculation propitiatoire.

© Élisabeth Carecchio

L’affaire paraît pourtant d’emblée en toute clarté : elle se présente comme une négociation entre membres d’un gang animés par leur honnêteté. Les paroles sont ouvertes, les attitudes dynamiques, les intentions explicites. On ne sait pas ce qui ne va pas. On sait seulement que quelque chose ne va pas. Il s’agit bien de rapports humains, pesés au prisme de la performance. Le commerce, c’est la valeur à la portée de tous, à n’importe quel prix. La disponibilité des choses pourrait, on le sent bien, affecter l’indisponibilité des corps et des esprits. On appréhende l’évolution des pratiques de vente au moyen de la présentation de deux époques. Des années soixante aux années deux mille, on assiste à l’inversion des rapports : entre jeunes et vieux, entre battants et perdants, entre objets des luttes de pouvoir.

 

Joël Pommerat utilise le procédé ‘scénophanique’ qui lui est propre, faisant surgir chaque situation d’une obscurité mystérieuse. Les personnages s’y trouvent immédiatement saisis par leurs paroles, enjoints à la transparence. C’est n’est pas qu’ils n’ont pas d’âme, c’est qu’ils n’ont pas d’intériorité. Les scènes qui se succèdent sous nos yeux constituent comme une géométrisation de la souffrance ordinaire. Bien sûr le libéralisme est le plus efficace des totalitarismes, parce qu’il enferme l’individu dans les limites trop vite atteintes de sa liberté. Mais on assiste à une véritable ‘transdévaluation’ des valeurs : on passe du cynisme universalisé à l’humanisme instrumentalisé. Le scénario, simple, si on le compare aux autres productions de la Compagnie Louis Brouillard, offre de jolies perspectives, par exemple à travers la circularité qui l’habite (à terme, l’histoire pourrait se reconduire). Certes, on a affaire à un Pommerat qui n’a pas l’efflorescence de ses dernières productions, mais qui constitue comme une épure de sa réflexion, propice à la spéculation. Ce créateur nous accompagne fidèlement dans l’exploration de l’envers de nos rêves.

 

Christophe Giolito

 

© Élisabeth Carecchio

La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce, de Joël Pommerat

 

Avec : Éric Forterre, Ludovic Molière, Hervé Blanc, Jean‑Claude Perrin, Patrick Bebi

 

 

Collaboration artistique : Philippe Carbonneaux

Création lumières : Éric Soyer, assisté de Renaud Fouquet

Scénographie : Éric Soyer

Création costumes : Isabelle Deffin

Créations sonores : François Leymarie

Recherches sonores : Yann Priest

Musique : Antonin Leymarie

Construction décor et accessoires : Thomas Ramon-À travers champs

Création vidéo : Renaud Rubiano

Production : Cie Louis-Brouillard

 

La pièce a été créée du 12 au 15 décembre 2011 à la Comédie de Béthune.

 

Tournée :

© Élisabeth Carecchio

Vélizy-Villacoublay les 21 et 22 févr. 2013, Le Petit Quevilly du 5 au 8 mars 2013, Saint-Etienne du 12 au 15 mars 2013, Aubusson les 21 et 22 mars 2013, Athènes (Grèce) du 28 au 31 mars 2013, Montluçon du 9 au 11 avr. 2013, Rennes du 16 au 20 avr. 2013, Evry les 24 et 25 avr. 2013, Tournai (Belgique) les 7et 8 mai 2013, Châteauroux les 14 et 15 mai 2013, Compiègne les 22 et 23 mai 2013, Göteborg (Suède) du 23 au 26 mai 2013, Saint-Brieuc les 29 et 30 mai 2013, en juin 2013 à Québec et à Montréal (Canada).


Le texte de la pièce est paru aux éditions Actes Sud en 2012 :

 

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