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Les Bonnes Gens de Laird Hunt ravivent les plaies américaines

Faut-il tout dire ? Sans doute pour ce drôle de peuple en quête d’Histoire. Les États-Unis d’Amérique sont si jeunes qu’elles puisent dans tous les recoins de la matière. À défaut d’avoir une longue Histoire digne d’intérêt (dilemme de tout pays jeune) elles se contentent d’un patchwork. Alors chaque détail compte. Et plus que la guerre d’Indépendance, la guerre de Cession semble le fil rouge, et son corollaire, le traitement des Noirs . Tout est bon pour tenter de se flageller. D’extraire le pus. De voir jusqu’où la violence des Hommes a pu conduire. Sans doute nulle part quand on recense les exactions des gens soldats yankees de par le monde. Mais pour Liard Hunt il faut d’abord assumer son passé avant de pouvoir se projeter dans l’avenir. Vœu pieu que les néoconservateurs n’entendent pas. Mais cela nourrit son œuvre littéraire. Et participe à la grande marche américaine pour tenter de se réconcilier avec elle-même…


Ce roman plus noir que noir s’articule autour des confessions d’une vieille dame. Mariée très jeune (quatorze ans) à un cousin de sa mère, elle vécut dans une ferme isolée du Kentucky. Son paysan de mari, dégénéré, violent, alcoolique, pédophile (les deux plus jeunes filles avaient droit à ses visites nocturnes) fut un jour retrouvé mort. Justice divine ou règlement de comptes ? Insurrection des esclaves ou vengeance ?


Comment survivre en tant que victime après avoir été bourreau ? La jeune veuve comprend que les domestiques s’étaient vengées. Son tour va-t-il venir ? Ou sera-t-elle exploitée dans une satire perverse menée par les nouveaux maîtres du domaine ?


Dans un style décapant d’une grande simplicité, Laird Hunt abat les cartes de l’une des plus sordides époques. La sauvagerie est à ce point présente que l’on peine à admettre que ce sont bien des êtres humains qui agissent ainsi. Surtout à cette époque où l’humanité était sensée être plus encline à la compassion. Mais l’Homme demeure cet animal incontrôlable…


Roman éprouvant qui perce le furoncle de la période la plus sombre des USA. Un travail pour la mémoire. Une invitation à l’introspection et à un examen de conscience. Mais attention à la violence – tout comme Django Unchained, le film de Tarantino –, certaines scènes sont littéralement insupportables. Pour lecteur averti.


Annabelle Hautecontre


Laird Hunt, Les Bonnes Gens, traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, février 2014, 256 p. – 21,80 €

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