Alain Paucard, « Oui, c’était mieux avant » : Mais que fait la police (de la pensée) ?

On pensera peut-être que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Mais enfin, même si je n’ai pas qualité pour donner de conseils à Alain Paucard, je ne saurais taire le fond de ma pensée : je le croyais écrivain chevronné. Rompu aux ficelles d’un métier qu’il exerce depuis des lustres. Or je constate, à la lecture de son dernier ouvrage, qu’il se comporte comme un béjaune. Qu’il est en train de se fermer les portes de toutes les académies. De se faire définitivement cataloguer passéiste, réac, pis encore. D’agir exactement à l’inverse de ce qu’un auteur doit faire pour s’assurer succès et considération. C’est pourtant simple ! Aller dans le sens du vent. Célébrer l’époque actuelle. Adhérer à ses dogmes. S’inscrire dans le droit fil de la pensée politiquement correcte, cette pensée unique dont les tenants caressent le rêve secret de ne voir aucune tête qui dépasse.

 

Un programme qui, somme toute, n’est pas difficile à remplir, si on se comporte comme devrait se comporter tout écrivain normal et organisé : appliquer des recettes et se montrer consensuel. Comme Marc Lévy. Comme Guillaume Musso. Que sais-je ? Comme les auteurs Harlequin.

 

Il se trouve que Paucard  s‘ingénie à prendre le contrepied de ces spécialistes du best seller et de la bienpensance. D’abord le titre de son ouvrage. Il fera s’étrangler d’horreur tous les zélateurs du Progrès. Rien de plus provocateur. De plus contre-productif. Est-il habile, est-il sensé de se référer à un « avant », sinon pour brandir l’anathème contre des siècles d’obscurantisme ?

 

Or que fait-il tout au long de son libelle ?  Il examine notre présent. Le scrute sous toutes ses coutures. Le soupèse, le décortique. Sans ménagement ni indulgence. L’école, la poésie (jusqu’à oser, blasphème inouï, une parodie de René Char !), les grands principes, démocratie, égalité, laïcité et j’en passe, le laxisme qui interdit d’interdire, l’évolution du sport, la grande misère de notre  Armée, la tyrannie de la communication, le règne du virtuel, la laideur de l’art actuel, bref, aucun aspect de notre civilisation qui trouve grâce à ses yeux. Un constat impitoyable.

 

Le comble, c’est que ce contempteur acharné en convaincra plus d’un. Il va mettre les rieurs de son côté, ce qui, à une époque où prime en tout domaine l’esprit de sérieux, relève du crime irrémissible. Car il a de la verve. Sa plume est légère, son réquisitoire allègre. Il aime la vie, et avant tout Paris, son Paris. Il ne déteste pas la gaudriole et il le fait savoir. Rien du pisse-froid chez cet observateur. Polémiste, certes. Provocateur, à l’occasion. Sarcastique, mais toujours aimable. Castigat ridendo mores, comme écrit Molière de la comédie. Voilà qui aggrave son cas.

 

Peccadille de jeunesse ? Que nenni ! Alain Paucard n’en est pas à son coup d’essai. Je me suis renseigné, c’est un récidiviste. Et même un multirécidiviste. A son actif, dans une œuvre qui compte plus de trente-cinq titres, des pamphlets contre les architectes contemporains (Les Criminels du béton, Paris c’est foutu !), les artistes « conceptuels » (Manuel de résistance à l’art contemporain), le règne du tout-culturel (La Crétinisation par la culture). Entre autres. Je me suis même laissé dire qu’il présidait – à vie ! –, à l’enseigne du Club des Ronchons, un ramassis d’individus aussi peu recommandables qu’il l’est lui-même. Activité qui pourrait bien relever de l’association de malfaiteurs. Voilà qui aggrave son cas. Mais que fait donc la police ?

 

Jacques Aboucaya

 

Alain Paucard, Oui, c’était mieux avant, Jean-Cyrille Godefroy, septembre 2105, 122 p., 12 €

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