Interview. "J’ai conscience de l’image de fan hystérique que je peux renvoyer" - Alexandra Varrin à propos de Stephen King

© Thierry Rateau

A l'occasion de la publication de son récit très personnel de la visite exceptionnelle de Stephen King en France, Une semaine dans la vie de Stephen King, rencontre avec Alexandra Varrin, fan absolue du maître de la littérature fantastique.


Vous écrivez un livre à la nature imprécise sur Stephen King. Ni roman ni essai. Pourquoi cet entre-deux ?

 

J’avais eu l’idée d’écrire quelque chose à son sujet bien avant de le rencontrer, je pensais à un essai sur son œuvre en général ou quelques uns de ses livres, mais en dehors de la difficulté de trouver un angle pertinent, se posait le problème d’une forme de narration que je trouvais trop impersonnelle.
J’ai gardé l’idée dans un coin de ma tête, et en le rencontrant, à cinq occasions, elle a fini par refaire surface : j’ai utilisé mes interactions avec lui comme d’une structure qui m’a permis de dérouler une trame à la fois très introspective et en même temps universelle, je pense, parce que cette histoire devrait faire écho chez toutes les personnes qui se sont partiellement construites grâce à la fiction, qu’il s’agisse des livres, du cinéma ou de la musique.
Ça n’est pas un simple compte rendu de la semaine qu’il a passée à Paris, donc à ce titre, ça n’est pas simplement un récit.

Quel est le meilleur Stephen King pour vous, et pourquoi ?

C’est une question très difficile !
La Tour Sombre est probablement le livre qui m’a le plus influencée, puisque j’ai commencé à le lire à 12 ans pour terminer à 20 ; j’ai un peu l’impression d’avoir grandi aux côtés des personnages. C’est aussi le livre vers lequel convergent beaucoup de ses autres œuvres, et certainement le plus important pour lui, dans lequel il va jusqu’à se mettre en scène lui-même.
Je ne conseillerais pas aux néophytes de commencer par La Tour, cela dit, parce que c’est un univers très particulier qui n’est pas forcément représentatif de l’atmosphère plus angoissante qui caractérise beaucoup de ses livres comme Simetierre ou Shining.
A titre personnel, La Tour Sombre a indéniablement une place à part, suivie par Le Fléau et Ça

Vous avez passé une semaine avec le maître, maintenant vous pouvez mourir heureuse ?

Je me souhaite quand même une vie un peu plus longue !
Je n’avais jamais rêvé ou imaginé le fait de le rencontrer, j’y avais pensé et je m’étais d’ailleurs dit que si l’occasion se présentait, le mieux était peut être de ne pas franchir le cap de la rencontre, et de le laisser être ce qu’il sera toujours quoiqu’il arrive : le créateur de mes idoles.
J’ai conscience de l’image de fan hystérique que je peux renvoyer ; j’ai écrit un livre sur Stephen King, j’ai des tatouages qui s’inspirent de ses personnages, je ne donne peut être pas l’impression d’être quelqu’un de lucide et d’équilibré. Pour autant, je pense que je le suis fondamentalement, et je fais une dissociation totale entre Stephen King en tant que personne – c’est-à-dire quelqu’un que je ne connais pas, finalement – et sa production littéraire, qui, elle, m’a énormément influencée et m’a aidée à me construire.
Ma démarche, durant la semaine pendant laquelle j’ai eu la chance d’échanger avec lui, était celle d’une personne pleine de gratitude et de reconnaissance qui tenait à le remercier du fond du cœur. Je suis ravie, bien sûr, d’avoir eu l’opportunité de le faire, et enchantée d’avoir eu, grâce à cela, matière à partager à mon tour avec des lecteurs. Mais à côté de ça j’ai ma vie, à laquelle je tiens quand même un chouïa avant d’être bouffée par le clown qui traîne dans les canalisations…

Pourquoi King ? quelle est sa spécificité ?

Sa spécificité est dans doute le fait de placer des personnages ordinaires, qui nous ressemblent, dans des circonstances extraordinaires où, sous une pression qui va crescendo, ils vont finalement se révéler à eux-mêmes et au lecteur.
Au-delà du fait qu’il manie le suspense comme personne, Stephen King c’est aussi et peut-être surtout, un observateur très fin avec un sens inné de la psychologie, à la fois individuelle (ce qui rend ses personnages extrêmement crédibles) et collective.
Pourquoi King, de mon point de vue c’est quelque chose de très personnel : la première fois que j’ai lu l’un de ses romans (Christine), j’avais 10 ans et ça a été la première personne a me donner l’impression de comprendre exactement mon état d’esprit, et, au-delà de ça, à me donner des pistes pour sortir de mes ornières. Ce qui est le cas de millions de gens à travers le monde, et qui ce qui lui confère incontestablement un talent à l’origine de son succès : il ne sait pas seulement raconter des histoires, il sait aussi comment emporter les gens dans son univers.

Il y a une histoire littéraire des livres - hommages au maître, vous vous en êtes inspiré ou ce projet est né ex nihilo ?

Non je ne m’en suis pas inspirée du tout, et je pense que sans l’avoir rencontré, je me serais cantonnée à mon idée d’essai, que j’aurais peut être fini par écrire à moyen ou long terme. Je suis vraiment heureuse d’avoir eu matière à écrire les choses autrement, en mêlant l’analyse de ses textes à des expériences personnelles ; je pense que c’est une forme d’hommage plus pertinente au regard du rapport que j’ai à ses livres.

Vous rêvez d'un Une semaine avec Alexandra Varrin à paraître dans quelques années ?

Ce serait très prétentieux de ma part ! Encore que le fait de songer à ma nuit passée devant le MK2 pour avoir une dédicace en comparaison aux dédicaces d’auteurs sur des salons par exemple, où c’est déjà formidable de vendre une quinzaine de livres, m’amuse à chaque fois. Dans le bon sens du terme, parce que le fait que plus de 3000 personnes se soient rassemblées en novembre dernier pour rencontrer un écrivain, et non pas un chanteur à la mode ou une star de télé réalité, est quelque chose de formidable, je trouve.
Et aussi parce que même si 100 fois moins de personnes viennent me voir, il y a quand même de très belles rencontres.
Si quelqu’un a envie d’écrire Une semaine avec Alexandra Varrin, il ou elle est le (la) bienvenu( e ) pour faire une étude terrain de son sujet, mais je pense que ce serait sacrément emmerdant !

Après King, quels projets ?

Je pense que ce livre est un réel tournant au niveau de mes sources d’inspirations, qui risquent d’être bien plus diversifiées dorénavant que basées sur des expériences vécues, comme c’était majoritairement le cas jusque-là. Il a fallu que je me débarrasse de ma tendance au sarcasme et que j’écrive quelque chose de fondamentalement positif pour acquérir la maturité nécessaire à la création de personnages qui n’ont rien à voir avec moi, et je suis ravie d’avoir franchi ce cap !

 

Propos recueillis par Loïc Di Stefano


1 commentaire

Une tête bien faite (élégante, avec un regard bleu révolver, cf photo) dans une tête bien pleine (pas qu'une simple fan).
Une vision du Maître concise et juste.
Merci Mademoiselle