Alfred de Musset : Biographie


Vie et œuvres d’Alfred de Musset (1810-1857)

Né et mort à Paris, Alfred de Musset appartenait à une famille qui s’était déjà distinguée dans les lettres, et qui comptait, parmi ses ancêtres, la Cassandre de Ronsard. Tout jeune, il fréquenta le Cénacle de l’Arsenal, où il fut accueilli comme une sorte d’enfant terrible du romantisme. Vint ensuite le Spectacle dans un fauteuil (1832), comprenant la Coupe et les Lèvres, À quoi rêvent les jeunes filles, Namouna. Tous les vers écrits de 1829 à 1833 formèrent le recueil des Premières Poésies.

 

À partir de 1835, Musset publie dans la Revue des Deux Mondes ses plus beaux morceaux : l’Ode à la Malibran, les Nuits, la Lettre à Lamartine, l’Espoir en Dieu, etc., qui forment, avec les Nuits, le recueil des Poésies nouvelles (1836-1852). Il donnait en même temps des nouvelles, des comédies, un roman autobiographique : la Confession d’un enfant du siècle. Reçu à l’Académie française en 1852, il mourut prématurément en 1857.

 

Les chefs-d’œuvre de Musset, dans les différents genres lyriques, sont : Rolla (1833), poème sans composition précise, mais qui contient des morceaux éloquents, quoique un peu gâtés par l’abus de la rhétorique ; les Nuits : la Nuit de mai (1835), la Nuit de décembre (1835), la Nuit d’août (1836), la Nuit d’octobre (1837). Les plus belles sont la première et la dernière.

 

Musset n’est qu’à demi romantique. Sans doute, il a écrit les Contes d’Espagne et d’Italie, les Marrons du feu, etc., mais son romantisme est d’un espiègle plein de talent, qui s’amuse à ramasser l’instrument d’autrui, et à en jouer pour mystifier le public. Peut-être, d’ailleurs, Musset se laissait-il prendre à son propre jeu ; peut-être la Ballade à la lune, la Coupe et les Lèvres, Rolla, lui paraissaient-ils des chefs-d’œuvre, quand une crise terrible vint le secouer. Alors, adieu la couleur locale, le pastiche, l’amour de mélodrame, la déclamation. « Ah! frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie ! » Musset ne pense plus qu’à chanter son désespoir, ses douleurs, ses souvenirs. Il est devenu le plus grand poète de l’amour sincère et trompé. La crise passée, il n’est plus romantique du tout, pas même comme Lamartine, dont il se rapprochait dans les Nuits, l’Espoir en Dieu et le Souvenir. Il devient un poète presque classique, avant tout spirituel, d’une sensibilité discrète, un héritier de La Fontaine et de Marivaux. Il écrit sur le romantisme les ironiques et cruelles lettres de Dupuis et Colonel. Les critiques classiques, comme Nisard, le tirent à eux ; et il est possible qu’un jour on le classe à part, comme un poète tout à fait indépendant.

 

Les drames de Musset

 

Dans quelle catégorie classer les pièces de Musset ? Le poète ne les a pas écrites pour être jouées, et elles n’appartiennent à aucun genre déterminé. Si nous en parlons au chapitre du Drame, c’est que les principales sont la réalisation la plus complète et la plus artistique du programme romantique.

 

Musset avait voulu faire du théâtre. Le 1er décembre 1831, L’Odéon représentait la Nuit vénitienne, comédie en un acte et en prose, qui fut sifflée. Heureuse chute ! Musset, dépité, renonça à travailler pour la scène, et donna librement carrière à sa fantaisie, dans ses essais dramatiques. Il publia, en 1832, sous ce titre Un spectacle dans un fauteuil, trois essais : les Marrons du feu, la Coupe et les Lèvres, À quoi rêvent les jeunes filles. En 1833, pendant un séjour à Venise, il écrivit Lorenzaccio, drame admirable par l’intensité et le relief. C’est l’histoire du meurtre d’Alexandre de Médicis par son neveu Lorenzo, d’après la chronique de Varchi. À dater de 1833, Musset donne, dans la Revue des Deux Mondes, toutes les autres pièces réunies aujourd’hui sous le titre général de Comédies et Proverbes ; les principales sont : les Caprices de Marianne, André del Sarte, Fantasio, On ne badine pas avec l’amour, Il ne faut jurer de rien ; et dans le genre mondain : Un Caprice, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée.

 

Musset a écrit ses pièces sans songer qu’en un décor de bois et de toile peinte, des acteurs dussent parler à un public. Aucune tradition, aucune convention, aucune nécessité pratique ne l’enchaînent ; il voit, il sent, il imagine, et il fixe au passage ce qui ravit ses yeux ou son cœur. Ses personnages sont variés comme la nature ; il n’a pas besoin de subordonner leur diversité à un caractère dominant ; et cependant ils sont très tranchés, très différents les uns des autres. Octave et Fortunio sont poétiques et charmants, Blasius et Bridaine sont bêtes à souhait. Comme Shakespeare, Musset ne fait apparaître aucun personnage qui ne soit marqué et vivant. Que dire du style le plus spontané, le plus vif, le plus bouffon ou le plus éloquent, le plus coquet ou le plus passionné qui fut jamais !

 

Aussi, quelle surprise, quand une actrice qui revenait de Saint-Pétersbourg, Mlle Allan, et qui avait eu l’idée de risquer là-bas cette petite pièce, joua à la Comédie-Française Un Caprice (1847). Le succès qu’elle obtint engagea Musset à donner presque tout le reste au même théâtre. Il fallut sans doute faire quelques retouches et quelques raccords ; mais, dans l’ensemble, c’était du théâtre, et du vrai. L’exemple de Musset prouve que le génie, le don, peut suppléer au métier, ou du moins peut suggérer au poète par intuition tout ce que le métier apprend aux autres. Mais cet exemple est unique dans l’histoire de notre théâtre.

 

[Source : Charles-Marc Des Granges, Les Grands écrivains français des origines à nos jours, Librairie Hatier, 1900]

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