"Richelieu", homme de Dieu et Homme d'Etat

L’historien face à un monstre sacré

 

Après Roland Mousnier et Françoise Hildesheimer, Arnaud Teyssier (auteur de biographies remarquées de Lyautey ou Louis-Philippe) s’attaque à un monument de l’histoire de France, l’Homme en rouge en personne : Armand du Plessis de Richelieu, cardinal de son état, principal ministre de Louis XIII. Le cardinal, anti-héros d’Alexandre Dumas (les jeunes, lisez Les trois mousquetaires), a beaucoup souffert d’une historiographie hostile, influencée par le romantisme et par des mémorialistes vindicatifs. Une autre école a vanté ses mérites, en a même fait (à cause de sa lutte continuelle contre les « grands » du Royaume) l’ancêtre du « jacobinisme centralisateur » (sinistre idéologie dénoncée ici et là comme une des causes du déclin de la France depuis l’époque de Richelieu, crois-je comprendre depuis l’époque où j’usais mes culottes courtes sur le banc de l’école Sainte Suzanne à Orsay). Françoise Hildesheimer a récemment mis en évidence l’influence de la théologie sur le cardinal de Richelieu, particulièrement dans sa politique vis-à-vis des protestants. Où se situe Arnaud Teyssier dans ce débat ?

 

L’ambitieux…

 

Arnaud Teyssier, comme d’autres avant lui, met en évidence la famille de Richelieu dans la construction du personnage, l’importance d’un ses frères, Henri, qui occupa une place de premier plan  à la cour. En effet, destiné à une carrière ecclésiastique, Armand du plessis part à Rome se former, acquiert une formation théologique impeccable (dans le sens de la contre-réforme tridentine) et devient évêque de Luçon. Luçon, diocèse marqué par la Réforme protestante, où Richelieu est sensé apprendre l’humilité et surtout le sens de la persuasion et de la diplomatie. Il se fait vite remarquer par la régente, Marie de Medicis, qui l’appelle à ses côtés. A la chute du favori de celle-ci, Concini, Richelieu prend la route de l’exil sur les ordres du roi. Ce qui étonne à la lecture de l’ouvrage, c’est la patience de Richelieu (à comparer avec celles de nos politiques actuels) et ses efforts continuels pour atteindre le Roi. Et il y arrive, finalement : ce dernier l’appelle à son conseil, en fait son ministre.

 

Et l’homme d’Etat

 

On ne retracera pas ici les mérites (le renforcement du rôle de l’Etat) et les erreurs de Richelieu. Peut-être manqua-t-il l’occasion de réformer la monarchie française (par exemple en supprimant la paulette) par souci de défendre le rang de la France face aux Habsbourg d’Autriche et d’Espagne. Reste en tout cas que l’homme se sacrifia pour l’Etat (au prix d’ailleurs de sa santé) confondue avec le service du Roi (car à l’époque Roi et Nation se confondaient). Il consacra toute son énergie au pays (sur ce point, les biographes sont d’accord) et s’efforça de promouvoir, lui le clerc, une politique qui prenait la pas sur les partis religieux (même s’il visait l’unité religieuse, au bout du compte)… Au nom de Dieu. Rien que pour ça, il vous faut lire Arnaud Teyssier (ne serait-ce que pour le discuter).

 

Sylvain Bonnet

 

Arnaud Teyssier, Richelieu, Perrin, août 2014, 396 pages, 24,50 €

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