Mode et spectacle en Afrique

Amusantes bien souvent, désopilantes pour certaines, parfois plus dérangeantes pour d’autres, en tous cas toujours étonnantes, que ce soit pour les sujets, les cadrages, les couleurs, les acteurs impliqués, ces photos sont un permanent appel à l’attention de l’œil qui découvre comme des tableaux surréalistes ces costumes, ces accessoires, peut-être ces accoutrements imprévus et ces déguisements improbables, ces tissus tendance qui sont autant de décors plantés dans d’autres décors. Ici l’objectif ne se promène pas dans ces capitales européennes reconnues de la mode internationale, il déambule devant un bar, dans une maison délabrée, dans des rues abandonnées, devant des murs tagués, dans la savane, dans des parcs, dans une ville anonyme.


Toute l’Afrique la plus colorée, la plus animée, la plus chaleureuse, la plus en pointe sur le continent et sans doute bientôt ailleurs, déferle à chaque page. Les cultures se mêlent et se choquent. On n’est plus dans la photo classique, encore moins dans le cliché provocateur, on est dans la prise de vue ludique en marge d’une autre modernité.

 

Le gentleman d’Epsom, Martin Paar, celui dont on dit qu’il prend « la photo qui tue, le détail qui dit tout », ouvre ce bal en captant les rich and famous locaux qui se retrouvaient lors du Durban July, la grande course hippique sud-africaine. Belles jeunes femmes en chapeaux, hommes non moins jeunes à la barbe discrète tirant sur un Havane, c’est la jet set de l’hémisphère sud qui défile.


Viennent ensuite d’autres artistes, au nom peu connu pour les non-initiés, mais dont le talent de metteur en scène est certain. Chacun à sa manière saisit cette débordante imagination des créateurs qui marient soie et carton, débardeur et costume- cravate, maillots deux pièces et masques rituels, cuir des Afrometals et coton imprimé de somptueux motifs. 

 

Jim Naughten signe ces costumes aussi élégants qu’inattendus, entre uniformes de carnaval et robes qui pourraient sortir de quelque salon régence soudain transporté sous les latitudes chaudes de la Namibie et qui se découpent sur un fond sableux. Hector Mediavilla transporte ses lentilles au Congo. Surprise devant ces raffinements vestimentaires, jusqu’aux chaussures en deux teintes de cuir. Lolo Veleko, élevée à Cape Town, combine des harmonies aussi détonantes que Daniele Tamagni le Milanais. A voir encore les compositions vibrantes d’Hassan Hajjaj et les transformations stylistiques de Phyllis Galembo. Les travaux de 18 chasseurs d’images s’enchaînent dans le plus fol hommage à la haute couture qui soit.  

 

« La mode en Afrique est aussi profonde et diverse que le continent lui-même » peut-on lire. C’est l’évidence et ce kaléidoscope le prouve. Le voyage au pays des rêves de ce qui est en vogue est garanti par ce dépaysement qui séduit ou irrite, selon le regard que l’on porte. Que crée-t-on à Johannesburg ? Qu’est ce qui se porte à Lusaka ou à Dubaï? Réponses fournies par cet ouvrage. Une histoire de la fashion africaine complète ce tableau vivant, sonore, drôle, amical, où le design est roi, la fantaisie reine. Plus de codes sinon un seul, trouver le détail   extravagant afin d’en faire un tout le moins conforme qui soit. Ce qui fait qu’à force d’inventions, on risque de redevenir classique ! 

 

Dominique Vergnon

 

 

Christophe De Jaeger, CH. Didier Gondola, Ramona Van Gansbeke, Haute Africa, people photography fashion, édition Lannoo,  24cm x 29cm, 208 pages, mars 2014; 39, 99 euros

Sur le même thème

1 commentaire

sans oublier l'extraordinaire alphadi, le prince du désert, celui a qui l'on doit le FIMA, ce festival de la mode célébré en plein désert, diffusé dans le monde entier par satellite, extraordinaire créateur que ce touareg fou et diablement gentil...
http://www.alphadi.net