Ellen Von Unwerth et les effeuillées roses

 

 

Exposition « Bunny Girls », Galerie Acte2, Paris, 2013.

 

Avec Elle von Unwerth le regard court le risque de se noyer là où la photographe se plait à plier le réel  par effet « d’eau » dans le courant dévié de la lumière. Chaque prise n’indique pas vraiment le lieu du corps : il l’expose rempli de ses énigmes en dessous affiolants. Pour autant on est loin du dogme chrétien de la Révélation : la figuration est autant sous la surface que dessus. La visibilité est à l’état liquide au moment où l’image par immersion se tord et prend un caractère ludique. Elle offre à la fois plus et moins que ce qu’elle donne à voir. Elle ne se veut plus la maison de l’être. Du moins de l’être seul car l’artiste parvient à lui communiquer ce qui pour elle est important. Ce qui remonte à la surface est ce qui jusque là était resté au fond dans ce qu’on appelle la photographie « de charme ».

 

A 18 ans Ellen von Unwerth rejoint le cirque Roncalli. Pendant une de ses prestations elle est repérée comme mannequin potentiel. S’ouvre pour elle une décennie sur les podiums. Pas forcément à l’aise devant la caméra dès l’âge de 30 ans elle passe derrière et expérimente un travail formel. Elle devient une des photographes de mode les plus demandées par Vogue, Vanity Fair, Interview, The Face, Arena et I-D  et pour des campagnes publicitaires de Diesel, Chanel ou Miu Miu. La plasticienne immortalise les plus belles femmes du monde et fut la première à Britney Spears nue.

 

 

Spécialisée dans les clichés « de charme » Ellen Von Unwerth a publié  plusieurs livres de photographies dont « Snaps », « Wicked » et « Couples ». Son travail est montré dans le monde entier et le Moma lui a ouvert ses portes. Grain, cadrage serré et décalé, couleurs vives ou à l’inversenoirs et blancs de ses photographies offrent un regard différent sur la femme. L’artiste crée une scénographie érotique subtile et kitsch. En dessous chics ses modèles s’amuse avec le fétichisme que la créatrice met en scène selon un principe esthétique simple : « l’appareil photographique aime son modèle, ce dernier doit non seulement le séduire mais lui faire l’amour » dit-elle.

 

Connaissant les femmes de l’intérieur elle donne de leur sexualité une image différente de ce qu’ils attendent comme de ce que proposent les photographes mâles.  C’est sans doute pourquoi ses modèles aiment travailler avec elle. Elles se sentent à l’aise et non femmes-objets. Elles ne sont plus des oiseaux en cage et trouvent du plaisir à afficher leur côté provoquant et sexy sans se prendre au sérieux. C’est, esthétiquement, un régal.

 

J-Paul Gavard-Perret

 

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