Alex Pinna : ténuité du « héros »


 

Alex Pinna : "A way to get lost"  (2014)

 

 

Les bronzes allongés d’Alex Pinna établissent une sorte de voix dans le silence.  Poussant plus loin la recherche entamée par Giacometti, l'artiste joue de la fragilité. Ses silhouettes longilignes ont parfois besoin de s'appuyer contre un mur pour tenir debout. Elles sont des épures de rêveurs insomniaques qui n'ont qu'un souci : ne pas déranger l'air dans lequel ils baignent. Les courants d'air peuvent bien faire bouger les rideaux : de telles silhouettes demeurent immuables. En se frottant à elles la lumière, voulant entrer dans leur masse grêle, semble s'y décomposer.

 

Chaque œuvre en diverses techniques joue toujours sur les équilibres et les déséquilibres, sur la trace crépusculaire et la perte des repères comme dans son prochain « A way to get lost » où le héros  est livré à sa seule errance. Pinna à travers lui fait découvrir un mode presque solipsiste d'existence. Apparemment imperméables à ce qui les entourent (sinon leur point d'appui) chaque personnage rappellent nos voix qui se sont tues. Elles semblent dire : "dors" puisque notre attente est interminable, notre attente est sans nom. Beckett n’est jamais loin.

 

Placées dans l'espace de manière à en faire éprouver le poids, de telles œuvres constituent des gouttes allongées mais encore pulsées là où paradoxalement tout semble sur le point de s'affaisser. Le travail plastique procure une angoisse et un vertige identique. Dans son allongement chaque silhouette propose un dur oreiller pour la mémoire la plus profonde. Au sein de la forêt des songes le dernier héros symbolise un voyage sans retour. Son avancée devient le détour, le piège, le "quark" du mythe de qui nous sommes tels que la remontée des profondeurs de l’inconscient peut le rappeler. L'œuvre de Pinna  devient la mémoire de cet indicible visible par une technique, un métier. Ils donnent à chaque œuvre son rythme, à chaque présence humaine le reflet de son fantôme. Celui-ci joue contre la présence, en devient la digression.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

 

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