Voix-off : Pauline Horovitz par elle-même


 

Historienne, philologue Pauline Horovitz est surtout influencée dans son travail de plasticienne par la littérature : Pérec ; Irving en tête. Cet amour des textes tient à la nécessité narrative que l’artiste produit dans les pièces vidéos ou sonores. La parole est d’ailleurs capitale, elle est même motrice du canevas comme le prouve sa pièce  « Des châteaux en Espagne » bâtie  sur le sens même de l’expression idiomatique. Cadrages, montages, sonorisations créent une sculpture provisoire du temps qui trouve une beauté particulière par une image travaillée telle une peinture et comme le fait Jean-Luc Godard.


Le réel est saisi sous feinte d'inadvertance ex-abrupto et de manière poétique soit par les prises que par les mots à l’image du monologue d’une héroïne sur les estampes japonaises et les Écossais en kilt dans Pleure ma fille. Car pour Pauline  Horovitz tout est sujet. D’où sa fascination pour Alain Cavalier qui - dit-elle - «  dans Lettre d’un cinéaste, filme sa table, une épluchure d’orange, un couteau dans l’évier,  ça n’a l’air de rien et c’est génial ». Comme lui l’artiste saisit l’immédiateté de sensations optiques : trace de rouille, pot de tarama ou une tomate relevée au rang de nature morte.


Dans « Polanski et mon père » la créatrice métamorphose le concept du portrait de famille. Il échappe soudain à l’étouffement compassé et compassionnel. « Faire histoire » (comme elle le dit) dans une force magique du montage  prend un nouveau sens et permet d’échapper à une certaine fatalité que tout regard rétrospectif induit. La voix off dynamite un sens absolu en une multitude de possibles. Le son dément ce que l’image montre en prenant lui-même divers sens et en s’éloignant de la simple illustration comme de l’effet esthétisant. Il peut receler une forme d’arbitraire ou d’abstraction dans lequel les objets montrés possèdent soudain  un « cri » au sein d’égarements auditifs non sans humour à la fois grave et subtile.


L’artiste ne méprise jamais ses personnages et ses spectateurs. Mais elle trouve par rapport à eux une juste distance. Elle fuit le voyeurisme propre au cinéma en ne cherchant pas à dévoiler leurs secrets. Elle se « contente » de s’attacher à eux avec une attention à leur folie. Celle-ci fait d’eux nos semblables, nos frères et sœurs. Pauline Horovitz ne se veut  donc jamais la réalisatrice/narratrice omnisciente de la littérature ou du cinéma classiques. Elle reste une passeuse comparable à l’Isaac Singer des shorts stories. Celles de l’artiste présentées lors de ses expositions sur moniteurs cubiques  fascinent. Proche en ce sens d’une Valérie Mréjen (en vidéo) et de Chantal Akerman (au cinéma), de Pérec (littérature mais aussi cinéma avec son « Homme qui dort ») la plasticienne  invente une voie originale à travers ses voix off et sa saisie du quotidien. Se détournant de tout effet de banale autofiction l’œuvre devient une aventure originale voire originaire du langage visuel et auditif.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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