Caveaubulaire de la photographie : Eric Marais

Eric Marais est un photographe à part : il envisage la photographie selon  un mode global :  l’expérience et le dispositif photographique sont plus importants pour lui que le cliché lui même. A cela une raison majeure que l’artiste précise : « Le dispositif fait que le spectateur devient l’acteur et l’objet ». Ses œuvres réservent de plus une portée gothique et mystique. Hanté par les cimetières - sur lesquels il a fait une série – l’ambition du créateur est de revenir aux sources  de la technique photographique, de revisiter  de son histoire et ses méthodes révolues  (utilisation du  bitume de Judée par exemple). Et Eric Marais de préciser qu’il  fantasme sur la première photo (disparue) de l’histoire, et sa pureté primitive.


L’artiste - afin d’y remonter – crée des « Sténopés domestiques ». Il s’agit de cadres avec une chambre noire qui sont en prises de vue permanentes. De tels sont objets  sont à mettre chez soi et à laisser ouverts. Surgit alors le décor immobile où tout ce qui a été en mouvement n’apparaît pas. D’où la présence d’un « spectre invisible » dont le procédé est des plus contraignant : l’artiste doit scanner très vite les photos s’il veut les retenir car à  l’ouverture du dispositif elles s’effacent. « La magie et l’illusion de cette technique et une référence à la silhouette du professeur Jacques Charles, l’inventeur précurseur de la découverte de Niepce » écrit le photographe. Il est désormais en chasse d’églises qui accepteraient  d’installer ce dispositif ou objet, sujet et image jouent de concert.


Eric Marais ramène à l’espace nocturne de la déposition du monde en tant qu’objet de désir, de perte.  Pareil au jeune Igitur de Mallarmé descendant “ le caveau des siens ” le photographe en quelque sorte visite celui des autres pour soumettre à la réminiscence du ventre aussi sépulcral  que natal du monde par l’intercession de la photographie.  Il s’agit donc autant d'une question d’ensevelissement que de plénitude. Et c’est pourquoi dans l’œuvre a question de l’être reste celle du mystère.


Jean-Paul Gavard-Perret

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