Tatsuo Suzuki voyeuse de l’ici-même là-bas

Tatsuo Suzuki saisit ses contemporain(e)s entre enclume et marteau : tous semblent de petites pièces détachées retombées des rouages de la société nippone dont le rêve n’a plus grand chose à offrir à ses enfants. Gâtés par certains côtés ils sont perdants de l’autre et restent le symbole de l’ère postmoderne d’un monde désenchanté. Le noir et blanc n’est pas là par hasard. Il vient entraver certains sourires qui s’affichent. 

Des jambes semblent  enrobées d’elles-mêmes mais ne possèdent plus de bouclier.  Dévoreuses et dévorées leurs Lolitas restent à peine des enfants de l’amour. Leur printemps semble une posthistoire. Leur bateau ivre  semble chavirer. Exit les Lilith en parades au bras de fiers samouraï gothiques. Les adolescents d’aujourd’hui semble les déshérités de l’absolu règne de l’argent et du paraître en dépit du « rang » que parfois ils tentent de tenir. Mais pas toujours.


L’appétit d’aventure n’affame plus raison ou déraison.  Du système indomptable de la société de consommation les personnages de Tatsuo Suzuzi voient le piège se refermer sur eux. Leur courage ou leur insouciance affichés cachent leur peur et leur désillusion là où la vie  ne cesse d’être présente dans un immense poème visuel vériste en noir et blanc. Sa narration devient ce qu’on veut ignorer encore afin de préférer à la douleur de la nuit la splendeur du jour.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Tatsuo Suzuki, "En marchant dans les rues de Tokyo", Editions Corridor Elephant.

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.