Les mondes perdus de Marie-Ellen Mark – In memoriam


 

Marie-Ellen Mark vient de nous quitter. Elle restera comme la photographe lyrique et documentariste du monde des réprouvés. Ses œuvres  charrient la misère du monde sans le moindre pathos. Le noir et blanc souligne  non sans majesté la pauvreté et l’errance.  Descendant les escaliers du réel pour atteindre le plus profond de la misère elle témoigne avec attendrissement mais tout autant de manière frontale du monde des exclus, des « gisants » et de tous les gitans  rejetés aux marges du monde. Marie Ellen Park ne le tire pas forcément vers le haut mais le rappelle à notre mémoire sélective. Digne héritière des grands photographes américains du quotidien elle en poursuit la tâche.

 


 

Elle privilégie une interrogation en une entreprise de re-présentation des lieux interlopes (dont les cirques minables).  Néanmoins la photographe ne se réfugie ni dans le fantasme d'une transparence documentaire, ni s'enfonce au sein d’une hystérie scopique. Seule subsiste la nécessité de travailler sur un monde dont  la photographie devient un outil d'arpentage et de convocation. Surgit le réel caché et éloigné de la scène médiatique et  des zones que la société du spectacle privilégie. Chaque cliché infiltre le réel de manière radicale  avec rigueur et lucidité. Preuve que la photographie peut être un outil critique irremplaçable. Sous les apparences d'un classicisme trompeur, le réel dépasse l'image au sein d’une dimension symbolique évidente. Transparaissent  la beauté naturelle d’un côté et  la beauté de l’anéantissement  de l’autre en des prises où la pauvreté n’est jamais  pas édulcorée. Et c’est un euphémisme.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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