Jonathan Leder et l’érotisme atone

Avec Jonathan Leder le corps de la femme -  en vertu  de divers stéréotypes comme de leur renversement - tend à créer son lieu propre. Il  parait échapper à lui-même et semble (le semble est important) ignorer sa fonction sensorielle en jouant avec celle-ci comme avec divers émotions et comportements. Il n'existe plus d'individualisation mais seulement une évocation d’une suggestion mise en scène comme par inadvertance et sans vouloir  agir sur le moteur du monde. Le photographe semble  répondre à l'injonction de Valère Novarina : "Pas des personnages à peine  des vêtements".

 

Leder demande à ses modèles une présence dénuée de profondeur humaine. Il veut, jusqu'au bout, que chaque personnage féminin soit "monotone" afin que ses photos puissent être regardées dans une sérénité teintée de malaise ou  un plaisir presque amusé. Le regardeur ne doit pas être inquiété et l’image est dégagée de tout pathos. Pour Leder la vision de l’éros doit déclencher de la distance selon, écrit-il, un "humour tout sauf marqué ». La libido des personnages y demeure en un point zéro. L'imagerie sexuelle  est non évacuée mais dévaluée. Chaque égérie - identificatrice sans identité - ne fait que  jouer la comédie. Tout ce qu'elle accomplit reste nimbé  d'incertitude ou d'une forme de dérision. Rien n'est vraiment affirmé, ou ce qui est affirmé n'a aucune signification sure ou réelle. 


Jean-Paul Gavard-Perret

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