Les poupées de Sara Antoinette Martin


 

Aussi dilatées qu’elliptiques les poupées de l’artiste américaine Sara Antoinette Martin sont apparemment nimbées de blancheur immaculée qui ferait presque d’elles des figurines pieuses. Pour le moins elles sembleraient donc appartenir aux limbes et expriment une sensation de l'ineffable. Mais à travers toute une iconologie gothique elles posent la question du corps pris entre pulsion de vie et de mort. La femme représente l’Eros, Thanatos l’entoure selon diverses figurations macabres (têtes de mort, infirmes, invalides).

 

Sara Antoinette Martin crée un étrange dialogue entre ses personnages comme entre son œuvre et ceux qui la contemplent. Il y a là une promesse d'un autre horizon, d'une autre aventure à la fois plastique mais aussi existentielle.  Pour l’artiste  il ne faut peut-être jamais sortir du jadis du corps habité de la mère, de sa joie, du péché, de la génitalité, du silence, du privé, de l'incompréhensible et de l'incomplétude. L’artiste estime que la volupté est moins originaire que le natal.  Ses illustrations possèdent la puissance de faire éclater au grand jour une aporie le plus souvent insoupçonnable.  Pour la créatrice de Brooklyn  trouver le vrai langage, c'est retrouver celui où le réel est défaillant, où l’enfer remonte en même temps qu’Eurydice, où le sevrage les poursuit dans leur dos, où le désir de nouveau redresse le corps vers l’avant, érige le vrai langage : celui où les mots manquent.

Jean-Paul Gavard-Perret

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