Le cœur de la ville et celui des mortels : Roger Mayne

 


Roger Mayne est le photographe des rues de Londres et des classes populaires britanniques banlieusardes dans les années 50 et du début des années 60. Il reste un des créateurs "Post War" des plus importants. Ses photographies de groupes rappellent Doisneau mais en moins lyrique et emphatique même si le sujet paraît parfois candide. L'intérêt originaire de l'artiste pour la photographie date de ses études de chimie à Oxford entre 1947 et 1951. En 1953 à la  St. Ives School, il rejoint le mouvement d’avant garde d’abstractionnisme abstrait. Il devient l’ami de Terry Frost, Patrick Heron et Roger Hilton. Mayne fut un des premiers à concevoir la photographie comme art. Et il la travaille de manière graphique avec de forts contrastes de lumière.

 

Les photographies de Mayne évoquent l’atmosphère d’après guerre et plus particulièrement au moment des restrictions. L’artiste  illustre de manière positive la vie communautaire dans les rues de Londres en voie de sa reconstruction et de modernisation. Diverses communautés de la ville sont montrées : travailleurs manuels, banquiers de la City, Teddy boys, jeunes anglaises et enfants jouant dans les chantiers traduisent l’esprit de la ville. En 1959 les images de Mayne sont considérées comme significatives de l’époque : Vogue les utilise pour illustrer les styles de la jeunesse de l’époque.  Colin MacInnes en choisit une pour « Absolute Beginners » roman écrit à la première personne par un jeune photographe vivant dans l’Ouest de Londres. L’œuvre de Mayne anticipe la culture « teenager » qui allait voir le jour. Elle annonce l’explosion du Swinging London et la British Pop.

 

Par le blanc et noir et la précision des contours émerge l’occasion d’une fête même pour des perdants - magnifiques ou non. L’œuvre sous ses différents aspects retient un paquet de la force vitale par les empreintes rhizomatiques qui l’innervent. A sa manière un tel travail parcourt un Londres moins cosmopolitesqu'il ne l'est aujourd'hui mais où surgit déjà tout un jeu d’écarts. Ils font jaillir un bouquet éclatant au moment où le cœur de la ville changeait plus vite que celui d'un mortel. Ce qu'avait prévu Baudelaire.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

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