Scot Sothern et les abandonnées

 


 

Scot Sothern a vécu de long mois dans les quartiers chauds de Los Angeles pour y photographier les prostituées. Et ce au nom d’une sorte d’absolu : montrer les bruissements d’âmes dites perdues lorsqu’elles prennent les détours de leurs corps marchandises. C’est moins d'incomparables voluptés qui sont retracées que les lieux où les femmes de chambres closes donnent un salut provisoire au corps de l’autre.

Le photographe rappelle combien ces femmes, au-delà d'être nues et d'être rien, sont tout dans la transmutation de l'instantanéité. Le sale n'est plus sale, c’est le goût à la vie. Scott Sothern montre leur humiliation mais laisse apparaître leur aspect intraitable comme le varech, comme les troncs d'arbre qui ne se domptent que par la destruction.

Allongées, à genoux ou hiératiques ces femmes dite de joie suggèrent la misère de la vie en des lieux interlopes.  Elles restent  abominablement saintes et baudelairiennes au-delà de la sainteté. La puissance de la vie crue se réfléchit à travers elles.  Elles n’ont rien à réconcilier mais l’opposition entre la trivialité et le sublime s’efface. S’offrir c'est mourir déjà. Mais qu'importe. Aucun collier de chienne ou de diamants ne peut entacher leur existence vendue pour une poignée de dollars afin que gicle la semence d’existences en fragmentation.


Jean-Paul Gavard-Perret

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