Danielle Delgrange : intimité et pudeur
Poussant l’art vers une « dévisagéité » (Beckett), l’artiste reste néanmoins arrimé au portrait afin de se rattacher au vivant. L’anthropomorphisme subit néanmoins des « écrasements », des distorsions qui donnent au portrait chargé en matière une force incontestable. Le visage devient un symptôme particulier : il vaque entre la vie et la mort.
La douleur est là : pour autant l’artiste ne fait pas dans le sensationnalisme ou l’émouvant. Mais elle brûle les artefacts picturaux pour atteindre le bloc d'inconnu rarement mis à nu avec une telle présence D'objet, la peinture comme son modèle deviennent des sujets soumis à des déformations afin d’évoquer ce qui se cache « derrière ».
Danielle Delgrange met donc à jour un autre fonctionnement de la peinture pour toucher des régions secrètes essentielles. Bref à ce que nous sommes dans notre être le plus profond comme à travers ceux que nous aimons ou qui nous furent chers.
Il n’est pas jusqu’au noir à n’être plus seulement l'image de la tristesse et du deuil, d'un néant sans possibilité, d'un néant mort après que le soleil se soit éteint. Ce noir n'est plus immobile. Mais le blanc n'est pas pour autant plus évanescent.
Stries, sillons, excroissances, cassures et fractures ouvrent de nouveaux champs, un rayonnement inédit. Le tout en une dynamique de la sensibilité mais aussi de l'intelligence. Celle-ci demeure l'émettrice de clarté, l'émergence d’une lumière secrète. Surgit un écart essentiel entre divers états. Le tout pour une muette renaissance.
Jean-Paul Gavard-Perret
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