Bernard Dufour : l'Eden et après.
Marine
et Laure deviennent des légendes dont les contes sont plus vrais que nature par
la narration qu'en propose le photographe. Il capte les flux de lumière au cœur
de l’obscur, puise dans le nocturne féminin des clairs de lune en des remise en scènes.
Surgit dans ces messes (car il s'agit d'un rite) froides et brûlantes et en l'éclosion - dans la seconde même d'un clic - les gerbes lumineuses de cuisses et de seins qui semblent venus d'un lieu étrange. Il tient lieu d'un bordel que d'une crypte mystique. Laure et Martine sont donc voluptueuses mais excèdent le cadre de la frivolité pour attenter au confort des fantasmes par l'épreuve du temps (qui a passé) qu'elles induisent..
Dufour met à mal de possibles "passes". Ses mises en scène ouvrent à des aspirations contradictoires. Elles fragilisent le voyeur. Mais qu'importe toutefois : le risque encouru sera moins grand qu’en la maison déserte de son existence. Le voyeur se laisse aller, en condamné consentant, à l'errance. Martine et Laures règnent en reines thaumaturges. Elles connaissent les obsessions des éternels valétudinaires et savent combien ils aiment les transes froides. Dufour feint de s'en moquer mais il se rend compte que chronos dévore ses enfants (dont il fait partie) livrés en proie à leurs démons et leurs amours ratées.
La présence des égéries soulignent rétrospectivement des regrets ou des remords. Elles sont portions amères et nectar infernal. Ici et maintenant ne suffit pas. Il faut donc ce retour amont. Voici les Icônes érotiques devenues désir forcené d’éternité à l’échelle humaine. Nous sommes moins leur possible compagnon que l’enfant naturel du symbole que sont devenues Laure et Martine dans les « mains » de l'artiste. Il expose et transpose ce qui des histoires s’enfuit. Chaque cliché devient fable et emblème invariable d'un rêve qui s'efface. Et qu’il faut retenir.
Jean-Paul Gavard-Perret
Bernard Dufour, "Martine", "Laure" - deux livres aux Editions Chez Higgins, coll. Erotica, Paris
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