Ghyslain Bertholon : la nuit des chasseurs
Avec Ghyslain Bertholon l’art animalier en prend pour son grade. Les trophées de chasse affichés en armoirie sont mis - stricto sensu - sinon « cul par-dessus tête » du moins selon une scénarisation où la seconde est remplacée par le premier. La monstration est des plus caustiques et la critique dépasse le simple caractère écologiste. De la masse d’oubli où il est empaillé, par l’intermédiaire de chorégraphies ou de figures de style intempestives l’animal fait la nique à tout atrabilaire voyeur. Ce dernier ne peut rester que décontenancé voire estomaqué là où les victoires de vènerie sont déportées selon une mise en scène dégondée.
Le statut et l’histoire de l'art animalier
sont démontés par celui qui est plus chasseur d’image que d’animaux sauvages.
Il ne cherche pas à les domestiquer et préfère introduire du leurre dans le
leurre en redistribuant les cartes. Les restes du « corps à corps » que
se livre l'animal avec l’homme se transpose en un « image-à-image ». La
naturalisation est transgressée par l’imaginaire dévoreur des forfanteries
chasseresses. Diane n’est plus ici : ses prébendes et ses « crimes » sont
ironisés par l’énigme d’images célibataires présages peut-être d’un avenir
destructeur. L’imagerie de vènerie dérape en des « sculptures » vénéneuses.
Elles impliquent tout un déplacement psychique. Il ne faut pas plus se demander
d’où vient l’image mais pourquoi et comment. Ce qu’elle découvre n’était pas
prévu - du moins pas de cette manière. Le tout pour un ravissement particulier
du regard : désaxé de ses perceptions acquises son nœud se défait.
Jean-Paul Gavard-Perret
Ghyslain Bertholon, « Animalia », Espace Martiningo, Chambéry, septembre-octobre 2014.
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