Les germinations d’Adrien Couvrat

Stratège ludique et judicieux Adrien Couvrat crée des suites de métamorphoses subtiles loin de tout processus de « reproduction » et en conséquence de réification du réel. Face à ce qui floute, brouille ou crée une myopie l’auteur, fuyant la narration, délocalise l’image pour n’en conserver que l’effet de couleur selon une pratique qui se moque des contours si ce ne sont ceux de la toile elle-même. Ce parti pris à la fois renouvelle et réanime la force de la peinture. Définir celle de Couvrat comme abstraite ou onirique serait trahir son ambition. Passant d’un univers surchargé d’images à celui d’un effacement germinatif l’artiste donne l’impression que le temps se défait puisqu’il nous fait errer au fond de l’instant sans borne du tableau privé d’"indices" de reconnaissance du monde tel qu’il se perçoit. Celui-ci devient le sujet dépouillé des œuvres. Le concret s'indétermine : perdurent des zones, des seuils et quelques gradients colorés par des pans qui se refusent au  brouillage ou à  d'indétermination par une prise de possession de la peinture par elle-même. L’œuvre devient la capacité à percevoir une sorte d’essence du monde et de l’art. L’œil est absorbé  dans une zone d’écart, un espace ouvert.


Ce dernier est autant du dedans que du dehors. Il oriente vers on ne sait quel abîme et vers quelle faille sinon celui du désir de la vie. Il insiste dans l'« inséparable indistinct » (dont parlait Deleuze dans « Le Pli ») auquel Couvrat  donne une dimension inédite. Le monde n’est plus pris sous ses amas ou son actualisation. S’y substitue l’apparition du singulier face à tous les simulacres. A l’épaisseur fait place le voile qui dévoile et sur lequel  de « sans-forme » n’est pas l’informe mais son contraire. A savoir  la plénitude ouverte.

 

Jean- Paul Gavard-Perret

 

Adrien Couvrat,  YIA Art Fair, Le Carreau du Temple, 2, rue Eugène Spuller, 75003 Paris. Stand de la Galerie Heinzer Reszler (Lausanne) du 23 au 26 octobre 2014

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