Christiane Sintès : La voix des morts-vivants

                   



Souvent les paroles commencent la guerre, seul l’art la finit. L’artiste reste dans la tranchée et la trace qu'on ne peut jamais considérer comme achevées puisqu'il est impossible de considérer la guerre comme terminable. Celle de 14-18 fut la fin d’un monde que payèrent de leur vie ceux qui avançaient dans les tranchées avant d’y être enterrés. Mais entre le chaos et le pays fut établi un mur que Christiane Sintès détruit tout en soulignant le mensonge de certaines images. Dans les rapprochements subtiles que l’artiste propose un insaisissable est retenu.  Les images rappellent que la guerre tue. Comme si elles-mêmes  donnaient la mort. C’est pourquoi certains monothéismes  les craignent : ce sont pourtant eux qui sèment le désastre.

Avec Christiane Sintès le corps sans corps a une forme, un habit de serge bleu horizon qui fut un linceul. Il créa non un début du jour mais le début de la nuit des corps : leur  donner  un drapeau est difficile. Il ne flotte que pour ceux qui jouèrent aux petits soldats avec leurs troupes. C’est pourquoi les images assemblées par la créatrice sont les indescriptibles traînes de l'effacement programmé. Les « remonter » permet aux morts de revenir hanter les vivants. Ces derniers  habitent les premiers pour qu’ils persistent dans le cosmos au-delà de l’histoire. Et s’il doit rester un désert, qu’il soit la nécessaire remise en perspective à travers l’étoffe liturgique non du linceul mais de toutes les lumières que Christiane Sintès propose. Il s’agit de rebâtir une vérité.   Chaque image coupe les mots faux témoins de guerre. Elle élargit leur mensonge. Dans son creux de tranchée dégorge la force de vivre contre le peu qu’elle fut. C’est pourquoi l’image ne se quitte pas. Surtout lorsque ceux qui ne parlent plus s’expriment encore par sa bouche.


Jean-Paul Gavard-Perret


Christiane Sintès Si proches, si loin, Mairie de Crolles novembre 2014.


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