Elise Boularan ou l’étrange présence du quotidien

Céline Boularan montre « mal » pour saisir mieux.  En décalé demeure un miroir sans reflet, un lit défait, une vieille femme sur un lot, une femme nue mais indifférente à la prise photographique. Tout est du propos le plus mince et aux couleurs fanées : or l’émotion est profonde. Tout est en déséquilibre entre mélancolie et absence. Le décor est quasi nu, les êtres absents et presque désincarnés dans leur déplacement suggéré. Plus les photographies deviennent flottantes plus elles sont prégnantes. Le réel est bien présent mais devient spectral.


La « dévotion » accordée à l’image est retournée ou détournée par un certain retour à la picturalité. Le spectateur contemple moins le réel que son « abstraction » ou son aura. La lumière est à peine soulignée. Si bien que se pose deux questions : que voit-on véritablement ? Et dans quel spectacle ? Ce qui fascine reste la spacieuse mélancolie, la solitude extensive et lumineuse, le drame possible parfois entre le rouge et le noir ou dans des couleurs plus délavées. Surgit le théâtre de l’ailleurs de la photographie dans son ici-même.


Les personnages saisis les gestes sont assoupis ou dans une apparence fausse de présent. Une courbe d’épaules dit sobrement combien sa propriétaire a eu du mal à se remettre de toutes ses douleurs. Mais le but de la prise n’est pas de les identifier. Reste dans le fil tissé de temps au rouet  de la vie des instants où  rien ne se passe. Demeure une diaphanéité saisissante que l’artiste sait retenir et isoler dans un temps à l’état pur. Peut-être dans un désir face à la capacité de destruction du quotidien.


Céline Boularan : Mars 2015, solo show, NYC, Usa. , Decembre 2014, HERE FROM NOW, Camden Image Gallery, Londres.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

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