Sandrine Laroche : les poupées qui disent non

                   



 

Avec Sandrine Laroche le corps se perd où  il croit prendre chair à travers des poupées plus inquiétantes que rêvées. Elles définissent un espace de mort dans leur machinerie plaquée sur du vivant. Exit l’amour : pas de foudre, de contact ou d’étreinte, rien, juste une « foirade » (Beckett). Pas de promesse tenue : la photographie n’est que l’image de leur image admise. La relation qu’elle suscite ressemble à un vide où le désir trépasse même si l’érotisme rampe au moment où les yeux de biche sur corps de porcelaine ou de celluloïd perdent leurs plus beaux atours.

 


L’artiste en un tel strip-tease fait crever le narcissisme du voyeur, le replie sur ses fantasmes. C’est la manière pour de telles poupées « de faire de l’amour » avec celui qui pensait les manipuler. La puissance des photographies réside en cette dérive et ce leurre : n’existe en bout de course que le désir de la machine et non du machin que le voyeur agite en un diagramme de la caresse qui ferme la main sur elle-même. Le voyeur ne mangera ni la pomme espérée, ni un quelconque fruit de la connaissance.

 

De telles poupées dénudées  font déraper les illusions admises et ludiques. Au rose thon de leur matière fait place le noir et blanc de l’image. L’artiste pousse plus loin le travail  de Bellmer qui parfois éprouvait le besoin d'harnacher ses mannequins ludiques de jarretelles. En les dénudant Sandrine Laroche  leur fait « porter la culotte ». Le celluloïd  devient l’ersatz de la chair désirée. Ce qui ne les empêche pas de sidérer. Au contraire. Leur machinerie voluptueuse propose une étrange partie de dupe.  En  chaque image et dans la poupée-cornue l’homme renverse pour rien son orgueil, sa puissance et son venin. Il tombe dans la passivité de la machine qui ne fait que monter l’arsenic, le mercure : toute aventure au dessous de ceinture est jetée aux ordures.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 Sandrine Laroche, « Living with dolls », Galerie Elizabeth Couturier, Lyon 1er , du 19 mars au 18 avril.

 

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