Nathalie Tacheau : intimenta - Celle qui ne savait que faire avec ses dix doigts

                   


Il existe dans le processus imaginaire de Nathalie Tacheau un mouvement de réitération. Mais la répétition ne ferme pas : elle ouvre. D’abord à partir des croquis de ses nombreux carnets  au feutre, à l’aquarelle, à l’encre de Chine les formes féminines (rondes, ovales) créent des espaces de dérive. Le regard se perd au milieu de chevelure, de vêtements. De nudités aussi. A côté, un univers pictural liquide s’épanche sur des toiles de petit format marouflées comme sur de grands formats de papiers ou de toiles. Peintures et dessins restituent le monde selon des repères qui invitent à regarder à l’intérieur du monde caché jusque là. Il ne suffit pas de jeter un œil dessus mais de s’y arrêter. Là où la monochromie domine se mêlent le cosmos et l’intime, la surface et la profondeur en un travail subtil. Les corps demeurent énigmatiques : aussi archaïques que contemporains. Coexistent  l’éparpillement, la dissémination mais selon une unité profonde. Entre lyrisme et drôlerie se retrouve une des problématiques passionnantes  de l’art contemporain : le rapport qu’il entretient avec la re-présentation du corps. Nathalie Tacheau la renouvelle et apporte sa contribution non négligeable à une conception plus large et plus complexe de la dialectique entre l’imaginaire et la réalité.

 

Avec intelligence et fausse naïveté  l’artiste prouve que la peinture et le dessin - pour signifier - ne jouent que sur eux-même afin que se repère particulièrement la place de l'être confronté au réel. Par les nus (mais pas seulement) se repèrent les archétypes de la féminité.  Jamais théoricienne la plasticienne noie volontairement le poisson de l’art dans l’eau de son bain pour faire surgir d’autres présences au fond de l'abîme de la présence. Le moi dissous,  l'identité perdue du féminin  se coltinent avec ce qu’il en est du dessin et de la peinture : un support, de la matière, des pinceaux ou des crayons, des plumes. Avec ces « pauvres » armes l'art de Nathalie Tacheau trouve une nouvelle dimension. Nul en sort indemne pas même la créatrice. C’est là l’enjeu de sa quête. Car si pour le philosophe la réalité se constitue en chaos, un chaos sans image, l’artiste lutte contre lui et pour elles.  Et non sans (douce) provocation. Il ne faut pas cependant prendre Nathalie Tacheau pour une inoffensive loufoque. Elle fait bouger le monde et sa représentation.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Exposition « Intimenta » sur une proposition de Paul-Armand Gette, Réflexion collective autour de la place de l’intime dans la création artistique actuelle face au monumentalisme ambiant, Galerie « Une Poussière dans l’œil », Villeneuve d’Ascq du samedi 16 mai au samedi 4 juillet 2015.

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