Joël Tettamanti : mesures et démesures

Joël Tettamanti vit et travaille à Lausanne. Il est né en 1977 à Efok, au Cameroun. En 2001, il obtient son diplôme en Graphic Design and Photography de l’ECAL  et depuis il ne cesse de traverser le monde en vue de le saisir dans sa complexité urbaine ou naturelle et pour ses travaux de créations ou de commandes. Il n’existe de différence de nature entre ces deux pans.
Se situant dans l’intervalle entre ce qu’il regarde et ce qu’il  saisit, entre ce qui le regarde et ce qu’il en saisit ses photographies font donc comprendre d’abord ce qu’il en est de sa vue. Elles ramènent aussi à une idée centrale de Blanchot selon laquelle ce qui est mesurable cesse d’être ce qu’il est pour être mesurable. Il perd ce qui lui reste, lorsqu’il est mesuré. Tout le travail tient dans cette traque de l’intervalle, de la dé-mesure  afin d’appréhender autrement  ce qui nous échappe,   ce qui se montre en ne se montrant pas ou trop. Un ailleurs du quotidien urbain comme de l’éternité des paysages sauvage  est enfin visible, incarné par ce qui habituellement n’est que pur témoignage et qui devient ici une poésie.   
L’image n’est donc pas le véhicule de l’architecture mais le sujet d’un propos bien plus vaste qui a pour objet l’être humain et son empreinte dans le temps. C’est la base de mon travail, ce qui motive toujours la prise de vue, écrit celui  qui fait sauter le paysage pour le désenclore. L’artiste témoigne autant de coupures que de  retrouvailles là où l’être a tout de même marqué sa présence au sein d’un constant balancement entre une présence et son gouffre.  Le socle architectural ou paysager devient une frange à partir duquel la photographie réinvente un langage hallucinatoire. Il ramène à une intimité originelle ou à un monde saturé de formes où l’être est perdu au sein de manifestations quasiment monstrueuses.

Jean-Paul Gavard-Perret

Joël Tettamanti, Works 2001-2019, Benteli, Bâle, novembre 2019, 140 p.-, 32 FRS

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.