Laurent Seksik & Guillaume Sorel, "Les derniers jours de Stefan Zweig"

Stefan n’était pas seul dans sa chute, Lotte, sa jeune épouse, n’a pas hésité à l’accompagner, bien décidés, tous les deux, à demeurer unis dans l’amour, à ne jamais se quitter, durent-ils franchir l’extrême pas en avalant du véronal, le 22 février 1942.


Partis en août 1941 de New York pour Rio, ils trouvèrent refuge dans une magnifique maison qui surplombait la vallée, sur les hauteurs de Petropolis. Stefan Zweig y mettra la dernière touche à son ultime livre, Le Monde d’hier, dans lequel il fait revivre l’Autriche des années 1930, avant que les échos de la guerre ne viennent ensanglanter toute la Middle Europa, et que ses amis disparaissent les uns après les autres (Walter Benjamin, Max Ernst...) et que son monde soit définitivement perdu... 


Quant à Lotte, elle tente de vaincre son asthme et jouit d’un paysage à couper le souffle. Mais le paradis n’est accessible qu’à ceux qui se laissent approcher, or Stefan Zweig porte toujours cette ombre en lui, quoiqu’il arrive, parvenant à ternir les meilleurs moments de sa vie, avec comme point d’orgue son soixantième anniversaire qui le voit lire un poème dans lequel, déjà, point l’idée de suicide.


Paru en janvier 2010 chez Flammarion, Les derniers jours de Stefan Zweig, ce roman poignant et tragique, s’est vendu à près de 100 000 exemplaires. Cet album est tout aussi fort, mêlant adroitement la fidélité historique et la fiction. Les personnages, adroitement incarnés par Guillaume Sorel, s’animent au gré d’un découpage astucieux qui donne un rythme particulier, servi par une palette toute de subtilités, entre le sépia et les tons verdoyants et lumineux, que l’aquarelle seule pouvait rendre ainsi. Du grand art...


Sorel a travaillé d’après des photos et des portraits peints, mais n’a pas souhaité aller dans le sens de l’hyper-ressemblance, ne voulant pas avoir des personnages figés. C’est tout le contraire, la légèreté et l’élégance de ces êtres de papier nous les rendent que plus crédibles. Une liberté d’action que Sorel doit à la confiance de Seksik qui a choisi de laisser le dessin parler à sa place, ainsi certaines planches n’ont pas de bulles, mais ne sont en rien muettes pour autant !


Ainsi, la première planche montre un paquebot au départ de New York quand le roman débute à l’arrive à Petropolis. Cela pour peindre un Zweig moins starisé, laisser le temps aux personnages de prendre vie ; et supprimer ce qui n’aurait rien apporté, comme la rencontre avec Bernanos, au Brésil. 
C’est donc un recommencement que cet album de BD, avec un nouvel axe, l’histoire d’amour entre Lotte et Stefan, la fantasmagorie autour de ce couple qui semble dialoguer comme dans une partie de ping-pong. Lotte est ainsi plus présente dans l’album que dans le roman...


En attendant la pièce de théâtre qui sera présentée à Paris en octobre 2012, plongez, vous aussi, dans l’inter-monde de Zweig, une escapade extraordinaire !


NB - Découvrir Stefen Zweig :  son "site" officiel.


François Xavier


Laurent Seksik & Guillaume Sorel, Les derniers jours de Stefan Zweig, 240 x 320, Casterman, février 2012, 88 p. - 16,00 €

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Une mise en prespective de Zweig avec Hugo et Camus en bande dessinée : http://osajohnson.wordpress.com/2014/06/06/hugo-zweig-camus-en-bande-dessinee-madame-la-litterature-est-servie/