Denis Lapière et Aude Samara, "À l'ombre de la gloire" : attention, travail d’artistes !

C'est une rencontre qui raconte une rencontre. Aude Samama, jeune artiste peintre, rencontre un jour le scénariste Denis Lapière – oui, celui qui avait conçu Le Bar du vieux Français avec Stassen, dont nous avons dit grand bien à l'époque. Ces deux-là, fort différents, se connaissent depuis Amato, en 2009, dont nous avons dit le plus grand bien itou. Mais sur quel récit se mettre d'accord ?

 

Les voilà qui ont choisi deux destinées exceptionnelles, celles de Mireille Balin, séduisante actrice de cinéma des années 30-40 (Pépé le Moko, entre autres – excusez du peu !), maîtresse de Gabin, de Tino Rossi... et d'un officier allemand, ce qui un jour, sur une route de la Côte d'Azur, la perdra ; et celle de Victor Younki, dit Victor Young Perez, boxeur d'exception, champion du monde des poids plume en 1931. Un jour, cet humble garçon qui est un Juif et un Tunisien, mais surtout qui est né parmi les pauvres, va rencontrer cette beauté du cinéma parlant, cette amie des riches et, plus tard, des forces d'occupation allemandes...

 

Il fallait du talent pour éviter les lieux communs, les mots convenus, et les émissions lacrymales de rigueur. Justement, cela tombe bien, nos deux larrons en ont à revendre. Pour Denis Lapière, on le savait, c'est un grand scénariste, un as du découpage. Il va droit au fait, reste sobre, dissimule sa grande maîtrise du découpage d'un récit derrière une voix off qui, au lieu d'affirmer, pose quelques questions. Mais lui, on le savait doué.

Quant à Aude Samama, 35 ans seulement, qui avait peint le superbe Bessie Smith en 2005, et Lisbonne dernier tour, aux éditions Impressions Nouvelles (gage de qualité), on ne la connaissait pas encore bien. Cette fois, son trait fortement marqué coupe le souffle, frappe à l'estomac comme le poing du boxeur qu'elle cerne, en même temps que ses couleurs chaudes et puissantes affirment la douceur cachée dans un monde cruel où l'on se bat, et d'où naîtra Auschwitz.

 

Aude Samama affirme une maîtrise de la couleur qui rappelle Loustal à ses débuts : ceci n'est pas un mince compliment. Peintre, elle choisit son angle de prise de vue et chaque case de sa bande dessinée est un petit tableau. Sans nous en apercevoir, nous sommes passés de la B.D. à la B.P. (bande peinte). Cela demande plus de temps à l'artiste, c'est plus exigeant, mais c'est mieux : c'est carrément très beau.

 

On ne regrettera donc pas que Futuropolis ait, une fois encore, fait appel à une artiste peu connue. À propos, ceci porte un nom : dénicher de grands talents comme celui  d'Aude Samama, cela aussi est un talent.

 

Bertrand du Chambon

 

Denis Lapière (scénario) et Aude Samara (peintures, dessin), À l'ombre de la gloire, Futuropolis, août 2012, 154 pages, 20 €.

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