Razor, tome 3 – Third Wave

Dans les Ailes de la vengeance, Abel Ferrara mettait en scène la descente aux enfers d'une jeune femme qui, violée deux fois le même jour, décide le soir venu de parcourir les ruelles de New York à coup de calibre .45 tous les hommes qui l'approchent. Un film totalement hors limites et sans nuance, donc, dans lequel tous les hommes sont des salopards qui méritent la balle qu'ils vont prendre.


Les Ailes de la vengeance et Razor ont un point commun : ils appartiennent à un sous-genre très précis, le rape and revenge, dans lequel le spectateur assiste à la vengeance de la victime. Dans Razor, la victime s'appelle Nicole Mitchell et assiste au massacre de son père et de sa sœur. Elle jure de venger leurs morts et de débarrasser la ville de ses pires criminels. Après un entraînement intensif, Nicole devient la justicière surnommée Razor à cause des lames qu'elle porte aux avant-bras. Évidemment cette quête vengeresse sans fin l'amènera à affronter les chefs mafieux les plus influents de la ville…


Razor, créée par Everett Hartsoe, est apparue pour la première fois au début des années 90 chez le modeste studio London Night. La série a rencontré son public, profitant notamment de la mode des bad girls qui sévissait alors (pin-up gothico-bondage en couvertures à l'appui). Pour l'anecdote, Shi, une super-héroïne plus connue des lecteurs français (pour avoir eu droit à une publication en kiosque), est apparue dans un hors-série (Razor annual #01) ; et Eric Powell, le créateur de The Goon, a fait ses premiers dessins professionnels sur la série régulière Razor.


Dans Amazing Spider-Man de 1974, Gerry Conway, John Romita et Ross Andru créaient le Punisher, anti-héros violent qui voulait venger le massacre de sa famille. Razor est donc quelque part la petite fille du Punisher. Sauf que chez Everett Hartsoe il n'y a pas de super-héros comme Spider-Man pour proposer un contrepoint critique sur les actions de sa vigilante.


Dans Third Wave, Everett Hartsoe égratigne les criminels, mais aussi les autorités (au mieux complices de ces derniers) et, plus surprenant pour un comic book, la religion (à travers un gros cliché, mais tout de même). Ce jeu de massacre pourrait à première vue faire penser au travail de Garth Ennis sur Punisher, sauf qu'Hartsoe n'a pas le talent d'Ennis, et surtout n'utilise jamais le second degré et l'humour pour dédramatiser l'action. Là où dans The Crow (pour rester dans le rape and revenge) James O'Barr injectait une jolie dose de poésie mélancolique par exemple, Hartsoe reste toujours au premier degré : tous les hommes sont coupables et méritent de mourir, sadisme et gerbes de sang en prime. Ce n'est pas nécessairement un défaut en soi, mais autant être prévenu avant de se lancer : Razor avance avec la subtilité d'un bulldozer.


Un mot sur l'édition française de ce tome 3. L'album s'ouvre sur une intrigue qui sera à suivre dans un autre tome, on reste un peu sur sa faim, mais c'était déjà un problème dans la version originale. Plus gênant, des fautes de frappes et des fautes d'orthographe se sont glissées dans la traduction : rien de rédhibitoire, mais c'est toujours dommage.


Razor est un comic book peu subtil et violent, souvent gore : il raconte l'histoire d'une femme prête à tout pour assouvir sa soif de vengeance, quitte à y perdre son âme. Vous apprécierez si le Punisher, et notamment celui de Garth Ennis, est un de vos personnages préféré, ou plus généralement si vous aimez les anti-héroïnes sexy et badass. Une nouvelle fois (Vampress Luxura), les éditions Reflexions nous font découvrir un sous-genre qui a connu un beau succès aux États-Unis et pourtant trop peu représenté dans nos librairies françaises. Un petit bout de l'histoire des comics. Et rien que pour ça, c'est une entreprise à soutenir.



Stéphane Le Troëdec




Everett Hartsoe (scénario et dessins)

Razor, tome 3 – Third Wave

Édité en France par les éditions Reflexions (février 2015)

100 pages noir et blanc, papier mat, couverture souple

9,00 euros

ISBN : 9791093603032

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