François Truffaut, "Les Mistons", les prémices d'une oeuvre

On a tendance à l’oublier mais le premier film de François Truffaut ne fut pas Les 400 coups mais bel et bien Les Mistons. Il est vrai qu’il s’agit en réalité d’un court métrage ou, plus exactement, d’un sketch appelé à intégrer un « grand » film sur l’enfance. Film que ne vit jamais le jour mais idée que ledit Truffaut reprit bien des années plus tard avec L’Argent de poche.

Donc, Les Mistons furent ses premiers pas derrière la caméra. Non un court-métrage bâclé à la va-vite mais un vrai film qui nécessita un mois de tournage, des décors naturels (pour la plupart dans et autour de Nîmes) et d’authentiques acteurs (donc Gérard Blain et Bernadette Lafont).


Dans son ouvrage, Bernard Bastide raconte toute l’aventure par le menu. Et même avec une précision d’entomologiste. Du début à la fin. C’est-à-dire de la première idée jusqu’aux ultimes versions du film. Car – et c’est là une caractéristique rare – il existe plusieurs versions de ce même film (en réalité, plusieurs durées) pour la plupart souhaitées et construites par Truffaut lui-même.


L’idée de base – un couple de jeunes amoureux soumis aux tracas d’une bande d’adolescents turbulents – évolua avec le temps et avec les aléas de la production. Truffaut se laissa aller à une certaine improvisation – voire à une certaine indolence – et subit ses premiers tracas avec les comédiens (adorant Lafont mais détestant Blain, alors mari de celle-ci).

Tout cela, et bien d’autres choses, est raconté dans cet ouvrage.


Bernard Bastide – qui consacra une importante biographie à la belle Bernadette – est passionné par ce sujet, ce film. Il en a traqué tous les détails, fouillant dans les archives, cherchant les derniers survivants du tournage, ressortant de l’ombre des témoins quasi oubliés. Un travail scrupuleux, honnête, important.

Dès lors, ce livre s’impose comme une pierre supplémentaire à l’édifice Truffaut. Pour mieux comprendre son mode de fonctionnement et deviner, à travers ses premiers tâtonnements, le cinéaste en devenir. Ipso facto, un ouvrage indispensable pour tout amateur du François et, plus généralement, pour tout cinéphile.


Néanmoins, je me demande s’il peut intéresser un large public. Primo Les Mistons a pratiquement disparu des écrans et rares sont ceux qui s’en souviennent avec précision. Secundo, la conception même de l’ouvrage, très technique et trop axé sur les détails, risque d’en rebuter plus d’un. Si j’osais, je ne saurais que trop recommander à l’auteur de lire 5e avenue, 5h du matin de Sam Wasson qui narre avec brio le tournage de Diamants sur canapé. L’ensemble est vivant, enlevé, joyeux et donne envie de revoir le film de Blake Edwards. Alors que, franchement, je ne suis pas certain d’avoir envie de revoir Les Mistons


Mais ne boudons pas notre plaisir et saluons le travail de chercheur. Ce genre d’ouvrage constitue un élément précieux pour connaitre, appréhender et apprécier la grande et foisonnante histoire du 7e art.



Philippe Durant 


 Bernard Bastide, « Les Mistons » de François Truffaut,

Éditions Atelier BAIE, 144 pages, novembre 2015, 15€


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