Du sexe, la farce politique de Boris Le Roy fait mouche

Hé bien oui, tout n’est que farce, ne l’avez-vous donc pas encore compris ? Entre les pas de deux des gouvernements successifs et les torche-culs publiés ici ou là pour dénigrer Tel ou Tel, l’organisation sociale est devenue une gigantesque farce, entraînant avec elle jusqu’au couple, cet embryon d’humanité composé d’un homme et d’une femme, en général. Hé oui, désormais un couple ne définit plus obligatoirement un homme et une femme partageant une histoire d’amour, théorie du genre quand tu nous tient, à toujours vouloir la parité, l’égalité, la ressemblance absolue en tout point, on arrive à chasser bébé avec l’eau du bain car, ne vous en déplaise, braves gens, ici il ne sera question que d’amour entre un homme et une femme – même si certaines pratiques sont équivoques et, diantre, là où il y a de la gène il n’y a point de plaisir ! – ici, donc, l’homme et la femme seront bien différents en tout point, sauf à perdre l’essentiel, c’est-à-dire leurs illusions, car, « pour ça, et uniquement pour ça, l’homme et la femme sont égaux. »

Mais reprenons depuis le début : deux frères – l’un en banqueroute personnelle pour avoir confondu les deniers de la mairie avec les siens, et donc inéligible (un homme politique ordinaire, finalement…) ; l’autre en disgrâce avec son employeur pour utopisme et laisser-aller – vont s’associer avec Hana, la fille cachée du président en place afin de monter un parti et de venir lui mordre les chevilles lors de la prochaine élection. Comme le filon est pour le moins asséché, quel programme détonnant trouver pour allécher l’électeur las et désabusé ?
La parité absolue !
Un délire démago qui va ouvrir la boîte de Pandore : la parité à tous les postes, aussi bien dans la société civile que dans le monde politique. Désormais, vous irez voter, non plus pour un candidat, mais pour le couple présidentiel (sic).

Un parti-pris qui donne à Boris Le Roy une liberté totale, et le voilà slalomant dans la présentation de la société idéale, non sans sel et piquant car notre artiste connaît sa partition et, à devoir ainsi partager la présence de l’autre, on sent bien qu’une certaine haine semble propice à se développer, cette peur de la différence que l’Autre vous met sous le nez et qui peut aussi montrer là où le bât blesse, professionnellement s’entend. Oui ? Vous avez raison, la frustration sexuelle peut aussi venir rebattre les cartes. Alors ? Faut-il prévoir « une érotisation de la vie publique pour mettre fin à la frustration sexuelle, sensuelle et affective. Aboutir à un réenchantement social », comme le suggère l’un des frères en plein orgasme ?

On le voit, la farce appuie là où suppure la plaie ouverte de notre vie politique contemporaine, à croire que Boris Le Roy possède une boule de cristal tant son roman suit l’actualité. Comment ne pas s’amuser de ses portraits chinois si ressemblants ? Admettre ce postulat incontournable que si « les politiques sont des petits vieux, les hommes d’affaires sont de grands enfants », et donc Hana ne serait qu’une adolescente attardée qui briguerait le pouvoir… Tout ça, pour ça ?!
Le roman permet toutes les audaces, même d’imposer la quadrature du cercle qui s’applique avec cette première équation : « dans un ensemble, quels que soient les individus qui pourraient être sympathiques pris séparément, la somme de ces mêmes individus est une bande de sociopathes. » Allez donc vous faire élire avec ça, autant parler à une meute de loups qui aurait en point de mire un troupeau bêlant sous benzodiasépines. Lequel, drogué à la lucarne magique continue à admettre que l’on divertit « les vrais gens avec des gens vrai, en réalité, on permet au populo de pratiquer l’onanisme ».
Rémy Pfimlin, si tu nous lis… tu demanderas à tes directeurs de programmes de revoir leur copie, une bonne fois.

Plus qu’un brûlot, ce roman pétillant d’hilarante irrévérence est un baume, une douce folie dans la plus belle des traditions de nos bouffons qui, jadis, sous couvert de la dérision, disaient les seules vérités qui vaillent, sans fâcher le monarque repus… Or, aujourd’hui, nos « politiciens cultivent l’extraversion, dans l’affrontement ou dans la conciliation, peu importe, c’est le [seul] plaisir de se mettre en scène qui les fait agir. » Non plus la mission de service publique…
Sodome aux portes du château ?

François Xavier

Boris Le Roy, Du sexe, Actes Sud, août 2014, 240 p.- 20 €

 

1 commentaire

Quelle fine lecture... on apprécie !!