Jacques Henric : la patiente française
Certes la part du jeu demeure conséquente mais elle n’épuise pas l’engagement et l’enjeu d’une telle théâtralisation. Dans cette partie ludique le mensonge est exclu puisque le corps rayonne selon une vision qui n’est pas exclusivement vouée à la jubilation. Existe dans ce « face à face » une acceptation et une tension (et bien sûr l’humour) où la messe de « l’homme armé » de son appareil crée un rituel pour l’ange noir – mais ange tout de même. Certes celui-ci est lui-même armé d’un sexe donné non à l’unique mais au multiple qui vient s’y « coller » comme la mouche sur une vitre.
Une telle série contrecarre l’idée proustienne que « la réalité ne se forme que dans la mémoire ». La photographie décante le vécu, le réel, met à nu non seulement le corps, le vu, l’incarné mais les fibres de la sensibilité soumise à l’épreuve de l’image et ce qu’elle engage dans une histoire qui soudain prend un caractère non anecdotique mais métaphorique. Les deux artistes dans cette entreprise révisent l’histoire de la photographie, de l’intime. Sur les ombres du corps et sur ses pentes lumineuses bien des tabous explosent. L’entretien visuel des deux protagonistes crée un moment d’acmé, un supremus d’une osmose particulière. Elle corrode les habituels silences et occultations là où le repos du corps offert est sans doute bien plus « intranquille » qu’il feint de le montrer.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jacques Henric, "Catherine Millet", Chez Higgins, Montreuil, 200 Euros.
1 commentaire
Relire les apparitions de Catherine M. dans "Carrousels" de Jacques Henric, récemment réédité chez Tinbad... Surprenant !