Baudelaire et la brousse humaine
Cette édition contient près de mille quatre cent vingt lettres et témoins. Elle couvre en deux tomes la période janvier 1832 – février 1866. Cela ressemble au drame de la vie de Baudelaire. L'existence s'y transforme en destin même si cette partie de ses écrits restent souvent reléguée.
D'aucuns y ont estimée un individualisme voir un égoïsme. Or l'enjeu de cette correspondante est bien différente. La cause de sa privatisation est générale. Elle n'est donc pas celle d'un narcisse. L'auteur ne pouvait que déplorer ses échecs pour brandir ses droits subjectifs. Souvent en rappelant avec justesse acérée son état des lieux et sa dégradation progressive.
Baudelaire veut à la fois s'enorgueillir et se sacrifier par sa vie et son œuvre. Mais s'inscrit dans ce corpus une sorte de faillite existentielle victime des contingences de l'époque que Baudelaire traversa tant mal que mieux. Certes le reste de son œuvre est capitale mais ses lettres reviennent à sa rescousse. Et ce, a contrario, lorsqu'une forme de providence progressive referma ses portes sur le poète et ses exigences.
L'œuvre demeure évidemment un bénéfice pour la culture mais la correspondance est une mise à mort progressive là où la dépression du poète demeure. Les lettres n'affichent que des turbulences, sortent de toute zone de confret. Toutefois et paradoxalement, dans leur genre elles sont plus que bien. Elles poussent le totale du corpus à une force essentielle bien plus qu'une indéniable légitimité.
Jean-Paul Gavard-Perret
Charles Baudelaire, Correspondance I & II., coffret de deux volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, mai 2024, 126€
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