Mon holocauste, le petit business du génocide

L'humour juif, tel que défini par Victor Malka dans son introduction à Mots d'esprit de l'humour juif (1), "est un humour qui cherche à atténuer les tensions. Il dégonfle les baudruches parce qu'il éclaire d'un jour de comédie les drames et les tragédies. Il est libérateur, mais amer. Il s'octroie la liberté de tout penser." Il reste que certains sujets ne sont pas propices à développer l'humour, qu'ils sont chasse-gardée d'une rigueur morale toute matinée d'interdit juridique. Il faut donc être juif soi-même pour les aborder sans craindre de l'infâme opprobre d'antisémite... Imaginez qu'un Dieudonné, par exemple, fasse tout un livre sur le shoah-business, sur deux juifs qui de père en fils qui vendent la souffrance des six millions de morts pour faire de leur musée un lieu non pas tant de mémoire mais de culpabilisation transformée en dollars sonnants et trébuchants, que n'aurait-on crier au scandale !

C'est pourtant ce qu'ose, avec un rien moins de verve que Shalom Auslander le grand spécialiste des romans communautaires aux sujets proscrits et à l'humour dévastateur (2), mais tout autant d'esprit et d'art de se moquer des travers de ses contemporains et de sa communauté, Tova Reich dans cet incroyable roman qu'est Mon Holocaust

Maurice et Norman Messer, père et fils, on mis en place une machine économique sur le compte du génocide. L'un dirige le Musée de l'Holocaust à Washington, l'autre la société Holocaust Connections Inc. qui distribue les visas " holocauste compatible" aux sociétés qui, avec ce label "qualité", peuvent faire leur business sans rien craindre. N'eut été une sœur devenu religieuse et catholique dans un couvent polonais, tout irait pour le mieux dans cette fructueuse combine mémorielle. Imaginez le scandale !

Le roman est étourdissant par ce qu'il ose tout dire et critiquer la communauté juive de l'intérieur - Tova Reich est la fille d'un rabbin et l'ex-femme du directeur du musée de Holocaust à Washington, qui appréciera sans doute...  - dans ce qu'elle a de plus précieux et de plus pesant. Mais cette critique, toujours, est d'un oeil tendre, doux-amer, de ce que Bergson appelait "le sel de l'amertume" où le gai et le mélancolique s'unissent le plus souvent dans une même vision du monde. Et dans ce roman qui s'impose comme un très grand profanateur !

Loïc Di Stefano

Tova Reich, Mon holocauste, traduit de l'anglais (USA) par Fabrice Pointeau, Cherche Midi, 359 pages, 19,50 € 

(1) Victor Malka, Mots d'esprit de l'humour juif, Points Seuil
(2) Notamment La Lamentation du Prépuce et Attention Dieu Méchant, parus tous deux chez Belfond
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