Christian Millau et son Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi : À l'attaque !

Revoici Christian Millau. Après son Journal impoli et son Journal d'un mauvais Français, il récidive avec ce Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi. Tous ces titres sont des antiphrases.

 

Car l'auteur n'est ni impoli - il serait plutôt doté d'un tempérament qui fuit toute laideur et toute inconvenance - ni mauvais Français - sauf à considérer que quiconque ne partage pas la doxa dominante se place en marge de sa patrie. De plus, il a l'art, sous les apparences du tout et du n'importe quoi, de pointer l'essentiel. Sous le fouillis, fût-il dans l'ordre alphabétique, les vérités importantes. Sous l'humour, la gravité du propos.

 

Il le prouve une fois encore. Les articles de son lexique balaient tous les secteurs de l'activité humaine. Politique, histoire, arts, littérature, faits de société, rien qui lui soit étranger. Il se meut avec aisance dans les domaines les plus divers. Trace des traits d'union entre les époques. Opère des rapprochements dont on s'étonne que nul n'y ait songé avant lui. Esquisse des portraits criants de vérité, projetant un éclairage original sur des personnages que l'on croyait bien connaître et dont il dévoile tel trait inattendu.

 

Millau puise, évidemment, dans sa longue expérience de journaliste qui lui a fait rencontrer les acteurs importants de notre époque, quel que soit leur champ d'activité. Sa mémoire nourrit un discours qui, de l'anecdote, s'élève sans la moindre pesanteur, ou pédantisme, jusqu'aux idées générales. Ainsi fait-il oeuvre de moraliste. Autrement dit, d'observateur de nos moeurs.

 

Celles-ci le consternent souvent, sans qu'il cède jamais, pour autant, à la morosité. Encore moins au prêchi-prêcha. En revanche, ses brocards n'épargnent guère nos contemporains, singulièrement la classe politique. Son Journal d'un mauvais Français nous avait laissés au seuil de la dernière élection présidentielle. Ce Dictionnaire prend le relais. On y retrouve certaines de ses têtes de turcs, ce qui ne constitue pas, à proprement parler, une surprise.

 

Le moins que l'on puisse constater, c'est que son encre ne s'est guère diluée dans l'eau de rose. Ses flèches atteignent toutes leur cible. Sans férocité, sans acharnement, sans aigreur, mais sans complaisance. Comme tout sectarisme lui est étranger, ce en quoi il diffère de la plupart des journalistes et écrivains actuels, il arrive que ses traits visent aussi des gens "de son bord". Cette indépendance d'esprit et de jugement est, à l'heure actuelle, assez rare pour qu'on la souligne.

 

Il serait tentant de citer quelques entrées pour illustrer ces qualités. Ce serait céder à la facilité. Mieux vaut laisser le lecteur les découvrir, ainsi que les illustrations de Grandville qui leur fournissent le meilleur des contrepoints.

 

Jacques Aboucaya

 

Christian Millau, Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi, Le Rocher, janvier 2013, 402 pages, 22,90 €

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