Nicole Calfan signe une "Lettre entr’ouverte à Alain Delon" qui est surtout une manière de raconter la solitude de sa vie à son "grand-frère"

Depuis qu’on la voit moins sur grand écran, Nicole Calfan se consacre à l’écriture. Avec un joli brin de plume, comme on dit avec condescendance. Je préfère dire qu’elle développe une écriture légère car délestée d’inutiles fioritures. Outre une dizaine de romans, Nicole s’est déjà racontée dans un ouvrage dit de Mémoires (Les dents du bonheur – Flammarion, 2003) et dans un autre où elle narre par le menu sa liaison avec Jean Yanne (Toi l’ours, moi la poupée – Ed Michel Lafon, 2004). Lequel Yanne est très présent dans cette Lettre entr’ouverte à Alain Delon.

Je trouve ce titre trompeur. Car de Delon il n’est question qu’épisodiquement. A travers des tournages (Borsalino, Le Gang et Frank Riva) et à travers un week-end dans sa propriété de Douchy (rien de croustillant, je vous rassure !). Pour le reste, Calfan parle d’elle, de sa vie, de ses doutes. Elle aurait été mieux inspirée d’intituler son livre Mes solitudes, mais cela sonne moins commercial. Car il s’agit bien de cela : des solitudes que la comédienne vécut entre ses liaisons amoureuses et, parfois même, pendant. 

« Il est vrai que la solitude a toujours été plus ou moins mon lot. Plus que moins. Un vrai lot de solitude. »

Ne se remettant jamais de sa séparation d’avec Jean Yanne, elle chercha le grand amour sans le trouver. Que vient faire Alain Delon là-dedans ? Il est un peu le frère aîné, le pilier sur lequel s’adosser, le socle pour se reposer. Fidèle en amitié, toujours présent même si souvent loin.

Donc, Nicole Calfan se raconte à partir de son premier grand tournage, Borsalino. Elle était alors pensionnaire à la Comédie-Française et passer de la scène de la Maison de Molière aux sunlights d’un plateau provençal ne fut pas chose aisée. Mais, déjà, Delon veillait.

Pour rafraîchir certaines mémoires, il est peut-être bon de rappeler ce que représenta Nicole Calfan dans les années 70-80 : un sex-symbol, pour ne pas dire un fantasme. J’en fus victime, trouvant ses yeux malicieux, son sourire ensorceleur et son espièglerie troublante. Elle grimpa vers les sommets fantasmatiques en posant nue pour Lui et pour l’objectif de Mireille Darc, alors compagne de Delon. Je dois posséder encore un exemplaire dans un fond de carton car nous fûmes des milliers à nous précipiter dans les kiosques pour profiter, lâchement, de l’aubaine. Dans son livre, Calfan affirme détester ces clichés. Elle a tort, elle y est superbe. 

Elle ne fut jamais pleinement une star mais beaucoup plus qu’une starlette. Disons une comédienne que l’on aimait retrouver de film en film, souvent auprès de vedettes confirmées (elle redonna la réplique à Belmondo dans Le Casse). 

Personnellement je n’ai pas guère eu le privilège de beaucoup la croiser. Dommage. Je me souviens toutefois d’une interview au Festival de Sarlat (pour une production que j’ai oubliée !). Nicole Calfan y apparut entièrement vêtue de cuir, avec bottes ad hoc. Je ne sais pourquoi mais elle passa toute l’interview debout, un pied sur une chaise. Inoubliable ! Elle s’étonne, dans son livre, d’être une icône gay, elle doit aussi être une icône chez les fétichistes !

Aujourd’hui, elle égrène ses souvenirs avec une certaine nostalgie. Dans ce paysage, Delon est un phare qui éclaire une route aux trop nombreuses zones d’ombre. Les cinéphiles apprécieront ses anecdotes de tournage (jamais assez nombreuses à mon goût), les esseulés partageront ses douleurs. 

Quelques précisions pour expliciter cette Lette entr’ouverte : Borsalino n’est pas le deuxième film produit par Delon (après L’Insoumis) mais son quatrième (il y eut, entre deux, Jeff et Madly qui, je le concède, ne comptent pas parmi ses œuvres les plus célèbres). Quant au Perfect Friday, ce très mauvais film que raconte Calfan, il est sorti en France en 1976 sous le titre La Trahison. Mais l’auteur a raison : personne ne l’a vu !
Enfin, je conseille au lecteur de ne pas manquer l’amusante coquille dans la note du bas de la page 100.

Nicole Calfan a sûrement encore beaucoup à dire. J’attends avec gourmandise son prochain livre.

Philippe Durant

Nicole Calfan, Lettre entr’ouverte à Alain Delon, L’Archipel, septembre 2012, 168 pages. 17,95 € 

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