Il était une fois le western européen : du bon, du brutal et des truands

Jean-François Giré a beau s’en défendre, il est un spécialiste incontestable du western européen. Une spécialité qui peut surprendre les non-initiés, convaincus non seulement qu’il s’agit d’un sous-genre mais, de plus, sous-représenté. Rien n’est plus faux, le western a connu ses heures de gloire sur le vieux continent et compte des centaines de films.


Pour être franc, j’en ai vus très peu. Une poignée de westerns italiens, quelques westerns de diverses origines de plus, pas de quoi faire la révolution. Ce qui ne m’empêche pas de considérer Sergio Leone comme l’un des plus grands artistes du cinéma.


Mais Giré, lui, a tout vu. Et son travail n’en devient que plus passionnant. Il avait déjà commis un remarquable tome 1 de près de 600 pages et nous revient cette fois avec un tome 2 qui est à la fois un complément du premier (avec des ajouts et des précisions) et une prolongation. Le travail y est toujours précis et remarquable, d’autant que Giré s’est fait aider par des co-auteurs aussi férus que lui.


Cet opus 2 rassemble des thèmes qui ne manquent pas d’originalité :


  • Le western espagnol, qui fut foisonnant mais ne parvint jamais à atteindre la même dimension internationale que son homologue italien ;
  • Le western français (dit « baguetti » !), car oui il y eut des westerns financés par des Français et, pour quelques-uns, filmés en France (se souvenir de Joë Hammam) ;
  • Le western allemand (dit « choucroute ») surtout célèbre pour la série des Winnetou ;
  • Le western « zappata » qui est en quelque sorte le western politique (évoquant souvent la révolution mexicaine, d’où son surnom)
  • Une étude des noms des héros de westerns (généralement à connotation religieuse ou exotique) ;
  • La musique du western italien (qui a tant fait pour le renouveau du genre)

Plus les influences des œuvres littéraires sur les scénarios, les faux westerns, le western turc, les téléfilms, les documentaires, les dessins animés, les romans photos, les personnages historiques… et, cerise sur le gâteau, les projets non réalisés grâce auxquels on apprend qu’Alain Delon et Jean Gabin furent pressentis, en 1968, pour jouer dans une adaptation de Lucky Luke !


Enfin, le livre se termine par quelques interviews (Lou Castel, Sergio Sollima, Sergio Martino, Giulio Petroni, Erik Pesenti)

Le tout très richement illustré, comme on dit sur les brochures publicitaires, essentiellement par des affiches qui rappellent la flamboyance du genre. Le grand format du livre permet à certaines d’entre elles de s’étaler sur toute leur splendeur.


J’estime ce type d’ouvrage, proche de l’encyclopédie sans en avoir l’aspect rébarbatif, indispensable pour tout amateur de cinéma. Il n’est pas utile d’être accro au western pour apprécier cette exploration. Car le western européen a marqué les esprits et changé la donne par son humour, sa violence, ses nouvelles références, ses héros pas du tout politiquement correct. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le western italien s’est d’abord nourri de son grand-frère américain mais que ce dernier, glissant sur la pente de la routine, a trouvé un nouveau (petit) souffle en pillant le western italien !


Si l’on accole les deux volumes, cela représente presque mille pages consacrées à cette frange souvent honnie du western. Mille pages passionnantes sans jamais être lèche-bottes. Les auteurs se réservent l’indicible plaisir de dézinguer des navets (le western comique italien fut, parfois, d’une indigence crasse) tout en soulignant les qualités de quelques œuvres majeures. Il faut leur tirer un coup de Stetson, toujours mieux qu’un coup de Colt.


Et puis, le grand mérite de ce livre c’est de donner envie. Envie de voir ou revoir certains titres, envie de vérifier si Orson Welles était en service minimum quand il joua dans Tepepa, envie de comparer le duo Terence Hill-Bud Spencer avec ses pâles émules, envie de constater à quel point Sergio Leone a été copié mais jamais égalé par ses compatriotes, envie de réécouter certaines musiques (et pas seulement celles d’Ennio Morricone), envie de comprendre pourquoi le piètre Winnetou fut une star en Allemagne !


Le western européen n’est pas totalement mort (de même que l’américain), régulièrement surgissent des productions de plus ou moins bonnes factures. Elles fournissent autant de preuves de l’importance de ce genre. Comme l’écrit Giré dans sa préface : « Sur le net, les « blogs » à la gloire du western (toutes origines confondues) ont fleuri comme des marguerites un jour de printemps. » Et ces nouvelles productions font aussi naitre l’espoir que, dans quelques années, sortira des imprimeries un troisième tome dû à Giré et son équipe.

 

Philippe Durant


Jean-François Giré, Il était une fois… le western européen, volume 2, Les dernières chevauchées du western européen, Bazaar & Co, 361 pages, 40 €


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