Populaire : sans faute de frappe

Ce n’est ni une chanson chère à Claude François, ni une banque sur laquelle il y aurait beaucoup à redire. Non, la Populaire était une machine à écrire datant de la fin des années 50. Un bazar mécanique avec des touches qui pouvaient rester enfoncées, un ruban encreur, un cliquetis métallique à déchirer les tympans. Cela remonte avant l’ère de l’informatique. En ces temps lointains, donc, existait des concours de vitesse dactylographique. Le maximum de mots (sans faute) dans le minimum de temps. C’est à ces concours que s’inscrit la jeune, frêle et provinciale Rose (Deborah François) poussée par son patron, Louis Echard, par ailleurs agent d’assurance. De victoires en déceptions, jusqu’où fleurira Rose ?


Le rôle masculin est tenu par Romain Duris. Il joue un homme séduisant mais un peu dur qui ne fait pas de cadeau à cette jeune étourdie qui lui tombe entre les mains. A lui les fringants costumes d’Echard.


« Je suis totalement fan de ces costumes, à part la largeur des bas de pantalons, confie-t-il. Mais j’ai eu la chance de bénéficier de costumes sur mesure. A l’époque, les hommes se contentaient de prêt-à-porter qui devait être moins confortable. En fait, j’adore tout ce qui se rapporte à cette époque, des bagnoles au mobilier. Régis Roinsard, le réalisateur, a voulu donner une image un peu fantasmée des années 50 tout en la mélangeant au réel. Ca fait rêver mais c’est aussi très précis dans les détails. Concernant mes costumes, j’ai suivi toutes les étapes du dessin à la fabrication. J’ai tendance à faire confiance aux gens avec qui je travaille et la costumière a suivi les indications de Régis. Jamais on a vu un assureur de province aussi chic ! Me retrouver dans ces costumes a influé sur ma façon de me tenir et, donc, de jouer. Je me suis senti plus en retenue. Mais c’est aussi l’époque qui veut ça : les hommes étaient tous en costumes, donc tous en retenue. »


Pour se glisser dans son rôle, Duris ne s’est pas contenté de l’étoffe de ses costumes, il a aussi bénéficié des conseils d’un coach sportif, Régis Brouard, entraîneur de l’équipe de foot du Petit Quevilly. Car la préparation à un concours de vitesse dactylographique se révèle  presque digne de celle des plus grands athlètes.


« J’avais besoin de travailler avec un coach, explique l’acteur, de ressentir ce qu’il vit. Il faut savoir se montrer autoritaire sans jamais être cassant. D’autant que l’époque était déjà très autoritaire pour les femmes. »


Pour venir défendre les couleurs de Populaire. Romain Duris a momentanément quitté le tournage du prochain Cédric Klapisch Un tournage qui l’a emmené à New York.


« J’y étais au moment du passage de Sandy. J’habitais à deux blocs de la zone d’évacuation. Comme l’ouragan était annoncé, on était tous en stand-by. Nous attendions sa venue sans savoir à quelle heure précise. On a passé la journée à attendre. Finalement il est arrivé vers 20 heures. Ce fut comme un énorme coup de vent avec de la pluie, ce qu’en France on appellerait une grosse tempête. Mais ce qui m’a la plus étonné c’est la coupure d’électricité. Une ville comme New York considéré comme l’une des plus modernes du monde, se retrouver soudain sans électricité c’est complètement dingue. Pendant quatre jours nous nous sommes éclairés à la bougie ! »


Big Apple lui laisse de bons souvenirs.


« La première fois que j’y ai été c’était en 1998. C’est vrai que New York a beaucoup changé, comme la plupart des grandes villes du monde mais elle garde une énergie fantastique. A New York tout est possible, beaucoup plus qu’à Paris. Contrairement aux idées reçues, il y a plein d’excellents restaurants. Par contre si vous voulez acheter des produits, rien ne vaut les petits marchés parisiens ou provinciaux. New York a de bons restos mais de mauvais produits ! Par contre, la grande différence c’est le service. Le service à la française s’est perdu. Là bas tout le monde est aimable, vous dit bonjour ; même les chauffeurs de taxi. »


Dans ce cas pourquoi ne pas faire carrière outre Atlantique ?

« Parce qu’il faut être aussi à l’aise avec l’anglais que Juliette Binoche pour prétendre à une carrière américaine. Ce n’est pas mon cas. Je reçois des propositions émanant d’Hollywood mais ça ne colle pas avec ce que je cherche. J’ai envie de créer un personnage par de jouer le Français ou très gentil ou très méchant. »


Revenons à Populaire. Duris semble avoir abordé ce rôle de manière plus détendue. L’avantage d’avoir du métier mais aussi d’avoir bénéficié d’une récente expérience théâtrale, sous la férule de Patrice Chéreau.


« Le théâtre m’a donné des ailes. Chaque soir, vous devez retrouver le point de départ de l’émotion. Ca vous donne une vraie liberté. Pour certains rôles, comme ceux que proposent Klapisch, vous ne pouvez pas vous contenter de la technique car votre personnage est traversé par un feu intérieur. On ne peut pas tricher. »


Serait-il pour autant devenu un acteur intellectuel ?


« Les acteurs qui réfléchissent sur leur rôle entre deux prises, qui font de la psychanalyse sur leur personnage me font chier. Ce n’est pas ma came. Je n’oublie jamais ma place de comédien. Je connais les égos des metteurs en scène. Un acteur n’a pas à dicter ses envies au réalisateur. A un moment il faut savoir se montrer docile, se laisser diriger, accepter même de perdre le contrôle. Docile ne veut pas dire servile mais un acteur ne doit pas trop réfléchir. »


Quant aux réalisateurs, il leur est fortement conseillé, pour plaire à Duris, de déployer une véritable personnalité. Le type qui filme une même scène sur tous les angles, pour « se couvrir » comme on dit en terme de métier, l’ennuie profondément.


« La prise de risque va bien au cinéma, explique Duris. Il ne faut jamais faire deux fois le même plan. Chaque plan doit être imprévisible, spontané. Il faut de l’audace. Jacques Audiard a parfaitement compris cela. Il le doit à son passé de monteur, il a le montage de son film dans la tête. Régis Roinsard, dont c’est le premier film, a su bien s’entourer. Il a responsabilisé chaque membre de l’équipe et n’avait plus qu’à bouger les curseurs pour aboutir à ce qu’il cherchait. Tout en restant proche des acteurs avec qui il était très pointilleux. »


Populaire sort le 28 novembre. Romain Duris doit encore terminer le tournage du Klapisch avant de prendre du repos.


« J’ai enchainé trois films coup sur coup, plus le théâtre. Je suis content de pouvoir faire une pause sans perdre mon métier. C’est un luxe de ne pas avoir de projet mais de savoir que des propositions finiront par vous attendre. Je vais faire une pause de deux mois. Il est bon de repasser par la case solitaire avant de se relancer dans le cinéma. »


Durant ces deux mois il fêtera Noël. Avec une idée bien précise de ce que doit être cette fête.


« Pour moi Noël c’est la famille et la neige. Sans neige ce n’est pas tout à fait Noël, c’est un autre trip. Emmener des enfants pour Noël à la montagne c’est extraordinaire ! »


Romain Duris est content d’avoir joué pour la première fois un « entraîneur sportif » comme il dit, un numéro deux. Une touche de plus à sa palette. Est-il pour autant un acteur populaire ? L’avenir du film le dira. Mais après le succès de L’Arnacoeur, il a le vent en poupe.


Avant de se quitter, un tuyau : le meilleur restaurant de New York ?


« Pour moi c’est le Locanda Verde, le restaurant de Robert De Niro. Un restaurant italien, bien sûr. On y mange bien et on peut y croiser De Niro en personne. Quand je l’ai vu, j’étais comme une midinette ! »

 

Philippe Durant


Populaire

Un film de Régis Roinsard

Avec Romain Duris, Deborah François, Bérénice Béjo

1h51

sortie le 28 novembre 2012

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