Retour avec Christophe Gans sur sa version de "la Belle et la Bête"

Dessine-moi un lion


Christophe Gans nous avait dit il y a quelques semaines son admiration pour la version de la Belle et la Bête de Cocteau. Il nous parle aujourd’hui de sa propre version et de la manière dont il a transposé sur l’écran le conte original de Madame de Villeneuve.


Le secret, ou tout simplement le principe du cinéma de Christophe Gans est sans doute assez bien résumé dans cette réflexion qu’est venue lui faire une spectatrice à l’issue d’une avant-première de la Belle et la Bête : « J’avais pleuré à la Belle et la Bête de Disney et j’ai pleuré aussi en voyant votre film. La différence, c’est que j’ai aujourd’hui trente ans. »


C’est qu’en fait, l’art de Gans consiste précisément à éliminer cette différence. Lorsque, il y a une quinzaine d’années, il travaillait sur un Bob Morane (qui resta à l’état de projet) et qu’on lui faisait remarquer que les romans d’Henri Vernes résistaient assez mal à la relecture tant ils avaient vieilli, il répondait que son intention n’était pas tant d’adapter à l’écran ces romans que de retrouver et de recréer les émotions qu’il avait éprouvées en les lisant dans sa jeunesse. Et c’est cette même attitude qui fait qu’il est allé présenter la Belle et la Bête à Antibes avant même de faire la tournée des grandes capitales européennes. Antibes, direz-vous, est certainement une cité très honorable, mais qui ne saurait rivaliser avec Berlin ou Madrid ? Pour Gans, si. Antibes est même plus importante que Berlin. Car c’est dans cette ville où il est né que, bien avant d’être admis à l’IDHEC, il a découvert Bruce Lee, James Bond, Angélique et bien d’autres encore. C’est dans les salles de cette ville que l’enfant qu’il était a découvert le cinéma.


N’écoutez pas, n’écoutez donc pas trop les critiques qui mettront l’accent sur les prouesses visuelles et techniques que représente un film comme la Belle et la Bête. Ils se trompent doublement. D’abord parce que ces prouesses sont souvent bien plus importantes encore qu’ils ne l’imaginent : il n’y a pratiquement pas un seul plan du film qui ne contienne plusieurs effets spéciaux (les quelques rares scènes qui ont dû être tournées dans une vraie forêt sont celles où l’on voit des chevaux galoper, car le cheval ne comprend pas les vertus de la CGI et rechigne à galoper au milieu d’un plateau dont les décors se résument à des draps). Ensuite parce que le fait même que les comédiens devaient la plupart du temps interpréter leurs rôles au milieu de simples fonds verts exigeait qu’ils croient en cette histoire avec une foi bien plus intense que celle qu’ils auraient eue s’ils avaient évolué dans un vrai jardin ou dans une vraie forêt ou dans un vrai château. De l’aveu même des intéressés, il y avait eu, lors du tournage du Pacte des loups, quelques tensions entre le réalisateur et ses acteurs, ceux-ci estimant que celui-là les oubliait un peu au profit de ses écrans de contrôle. Et pourtant Vincent Cassel n’a pas hésité à revenir travailler avec Christophe Gans pour incarner sa Bête, parce que la sincérité de Gans, la foi avec laquelle il conçoit et réalise ses films est communicative. Gans est sans doute un manipulateur, mais on pardonne à Christophe toutes ses manipulations parce qu’elles vont chez lui de pair avec une profonde naïveté, étant entendu que cette naïveté est celle que devrait avoir tout artiste.


Naïveté ne veut pas dire simplisme. La Belle et la Bête oscille sans cesse entre deux histoires, entre deux mondes, et ses héros sont complexes. La Belle n’est certes pas bestiale, mais elle a en elle quelque chose de farouche (magnifiquement exprimé par Léa Seydoux) qui fait d’elle d’emblée autre chose qu’une gentille héroïne. Quant à la Bête, elle nous renvoie simplement à l’étymologie du mot hybride. Elle est hybride parce qu’elle s’est rendue coupable d’hybris, parce qu’elle n’a pas su se contrôler. Christophe Gans, en incluant dans son film la mythologie gréco-romaine, se réfère du même coup à la philosophie antique. Si sa Bête fait peur, c’est en réalité, comme nous le suggère un plan où l’écran se retourne, parce qu’elle a peur. Parce qu’elle ne peut pas supporter d’être ce qu’elle est, ou ce qu’elle est devenue. Est-ce bien elle, était-ce bien elle, ce Prince au sourire radieux représenté sur le tableau au pied duquel elle déchire et dévore les proies encore chaudes dont elle se nourrit ?


C’est cette double nature permanente qui donne son rythme au film de Christophe Gans. La contrainte exercée par la Bête sur la Belle et la contrainte exercée aussi, quoique plus subtilement, par la Belle sur la Bête seraient insupportables si elles n’amenaient l’une et l’autre à découvrir chacune sa véritable nature. Comme tout conte pour enfants, cette B&B est aussi un conte pour adultes, puisque c’est un récit d’apprentissage. Et puisqu’il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Et puisque derrière cette petite histoire plane constamment la grande ombre de l’Histoire.



Peut-être convient-il de commencer par liquider la « question Cocteau ». Vous avez expliqué, dès le départ, que votre version de la Belle et la Bête n’entendait en aucun cas être un remake de celle de Cocteau. On y remarque malgré tout un certain nombre d’hommages : le miroir d’eau, par exemple, ou le très léonin masque de la Bête…


Les miroirs, oui. Le plan reverse de la Bête remontant à la surface dans la séquence finale aussi — ce sont bien des clins d’œil au film de Cocteau. Mais l’apparence de la Bête n’en est pas un. J’ai une admiration sans bornes pour le maquillage qu’avait conçu Arakelian, mais je suis arrivé au choix d’un félin par d’autres voies. Dans la version de la Belle et la Bête réalisée en 1978 par le Tchèque Juraj Herz, la Bête était un aigle noir, en relation avec le symbole de l’Empire austro-hongrois. Il flottait là, comme dans le conte de Madame de Villeneuve, l’idée d’un monde condamné à disparaître. Quand Patrick Tatopoulos, qui avait la charge de concevoir la Bête, m’a demandé à quoi je voulais qu’elle ressemble, je me suis souvenu du film tchèque et je lui ai dit qu’elle devait être le symbole d’un empire qui vit ses derniers jours. Or, le symbole de l’Empire le plus répandu à Paris, c’est le lion. J’ai donc dit à Patrick : « Notre Bête, c’est le lion de Denfert-Rochereau. » C’est ainsi que nous sommes retournés à l’idée d’un félin. Cocteau avait fait ce choix parce qu’il avait donné comme référence à ses maquilleurs son chat persan, qu’il aimait beaucoup et auquel, même, il s’identifiait — ce thème du double s’inscrit d’ailleurs dans la rhétorique homosexuelle du film. Quand on regarde attentivement le film, on sent que Josette Day, l’interprète de la Belle, est d’une certaine manière une pièce rapportée. J’ai appris tout récemment qu’à l’origine, Pagnol, dont elle était la petite amie, devait diriger ses séquences, mais Pagnol l’a quittée et Cocteau a décidé de la garder…


Votre film commence dans la meilleure tradition Disney par un livre qui s’ouvre et dont les images s’animent pour laisser la place au film, mais, chez vous, le livre réapparaît au bout d’une minute et plusieurs fois dans le courant du film, comme si vous vouliez que le spectateur n’oublie jamais que cette histoire qu’on lui présente est un conte...


Quand j’ai imaginé ce retour au livre, je pensais beaucoup à Dune de David Lynch, un film que j’ai appris à aimer au fil des années et de visions répétées. Virginia Madsen apparaît sur fond d’espace et commence un topo pour exposer la géopolitique de l’histoire, puis, à un moment donné, elle disparaît, comme pour laisser le film commencer. Mais elle réapparaît tout d’un coup : « Je voulais vous dire aussi… » J’ai toujours gardé à l’esprit cette ouverture : cette interruption, cette fluctuation confère à la narration une espèce de pulsation magnifique. La coccinelle qui vient se poser sur le livre dans mon film participe du même principe. Elle vient interrompre le fil d’une narration que l’on croyait acquise, et l’on découvre alors qu’il y a des enfants, un auditoire.


Mon jugement négatif initial sur le film de David Lynch s’explique par le fait que j’avais en tête le roman de Frank Herbert, référence écrasante et œuvre à maints égards prémonitoire. J’ai toujours des réserves à l’égard de cette adaptation — elle n’est pas exempte de scories —, mais elle offre des choses qu’on ne reverra jamais dans la science-fiction. Ridley Scott, qui a travaillé un temps pour Dino De Laurentiis sur le projet Dune, voulait réinterpréter la création d’Herbert comme un « Premier Empire spatial » recoupant les conquêtes napoléoniennes. Lynch a tiré la chose du côté russe : grands manteaux en fourrure, chapskas gigantesques, cols de l’armée tsariste… Son Dune à lui est un « Docteur Jivago galactique » !


Votre fidélité à votre source littéraire n’est pas totale. Vous ne vous inspirez que de la première des trois parties qui composent le récit de Madame de Villeneuve. Celle-ci donnait pour origine de la métamorphose du Prince en Bête le fait que celui-ci avait refusé d’épouser une fée trop vieille à son goût. La malédiction, chez vous, a une tout autre cause…


Le livre de Madame de Villeneuve met au jour de manière très consciente certains aspects du conte, et c’est cette vision des choses qui a retenu mon attention. J’ai gardé l’esprit du texte — en écartant toutefois sa fonction initiale, qui était d’encourager les jeunes filles destinées à épouser des messieurs plus âgés qu’elles ! — et j’ai mis l’accent sur son rapport avec les contes et légendes classiques.


Le récit original, chez Madame de Villeneuve, était enchâssé. Dans le premier scénario, j’avais conservé cette idée : le récit était narré à une jeune fille, lors d’une traversée, par une femme, attendue à l’arrivée par un individu mystérieux qui pouvait bien être la Bête. Mais cela présentait le désavantage de retarder l’action, sans parler du fait que la ruine du marchand s’ouvre sur une séquence navale. Cela faisait du coup un peu trop de bateaux… J’ai donc imaginé la présence des enfants et j’ai choisi de faire lire le conte par Belle elle-même, qui donne peut-être là une transposition féerique des rapports qu’elle a pu avoir avec un homme violent qu’elle a su dompter.


Les dieux antiques n’apparaissent pas en tant que tels dans le récit de Madame de Villeneuve, mais sa source d’inspiration n’en était pas moins de manière évidente la mythologie gréco-romaine en général et les métamorphoses en particulier. Simplement, elle a donné de cette mythologie une version « christianisée ». Je me suis donc inspiré de la légende d’Actéon, ce chasseur qui, ayant surpris Vénus en train de se baigner, est transformé par celle-ci en cerf et finit dévoré par ses propres chiens. Dans mon film, la malédiction du Prince est le résultat d’un mauvais rapport entre les hommes et la nature, rapport qui trouve directement un écho dans le rapport entre la Belle et la Bête. J’aime l’idée — qu’on trouvait, soit dit en passant, dans le film, mineur, mais non sans charme, de Richard Donner LadyHawke — suivant laquelle les métamorphoses sont des punitions morales. La scène la plus marquante de mon film me semble être celle de la naissance du rosier à partir d’une jeune femme mourante. Ç’a été l’une des plus difficiles à réaliser, puisqu’il y a tout à la fois un dieu qui apparaît et cette femme qui se métamorphose en rosier, mais il me plaît de penser que les spectateurs croiront qu’on a là la transcription d’une pure légende médiévale.


Si cette séquence de la mort de la princesse me semble être de loin la plus émouvante du film, c’est parce qu’elle se fonde sur le rapport souterrain entre la Belle et la Bête et Jane Eyre. Partout, Belle doit transiger avec l’ombre de la femme précédente. J’adore le film de Jacques Tourneur I Walked With a Zombie, qui n’est autre qu’une adaptation de Jane Eyre. J’ose croire que Tourneur est une des influences visibles de mon film : le sanctuaire au cœur du rosier, cette flèche d’or symbolisant tout à la fois la mort et Cupidon… Tourneur avait d’ailleurs transporté à Hollywood une partie d’une culture française fondamentalement littéraire. Le principe de la femme précédente fait de la Bête un Rochester bien plus intéressant qu’un Prince charmant insipide transformé en Bête. Dans mon film, Vincent Cassel campe à peu de chose près une sorte de pré-Barbe-Bleue, un ado mal dégrossi délaissant sa femme pour faire les quatre cents coups avec ses camarades de chasse et d’orgies. La Bête est la version adulte, tourmentée et mélancolique, de cet homme.


Vous avez purement et simplement ignoré la troisième partie du conte, bien fumeuse dans son déroulement, mais lumineusement réactionnaire, qui révélait que la très roturière Belle avait de très nobles qualités parce qu’elle était en réalité de sang noble, son marchand de père n’étant pas son vrai père.


J’ai trahi le conte pour tout ce qui touchait aux classes sociales. A la fin, le Prince ne retrouve pas son château et sa cour. Quand j’écrivais le scénario, je me suis demandé à un moment donné si je n’allais pas faire revenir tout le monde — tout ce monde. Tous ces fantômes de nobles qui applaudissent lors du bal et qui se disent sans doute qu’ils vont revenir. Et puis, repensant à la réplique — ironique — de Belle « Où est ma bête ? » dans le film de Cocteau, je me suis dit que non, le Prince ne redeviendrait pas un prince, mais plus simplement un humain, un jardinier en l’occurrence. On devine qu’il a produit une bouture de rosier à partir de laquelle il a créé une nouvelle espèce de rose qu’il vend à travers le monde. Dans vingt ou trente ans peut-être, dans une nouvelle adaptation de la Belle et la Bête, le Prince pourra redevenir un prince. Aujourd’hui, étant donné la situation économique et sociale, il est plus « recevable » de le faire revivre comme un être humain normal gagnant sa vie de ses propres mains.


Ce en quoi vous vous démarquez de la morale de presque tous les films de Ridley Scott, que vous citiez tout à l’heure. Chez lui, le rebelle Robin des Bois se découvre fils de roi…


C’est vrai, mais il y a toujours chez Scott, et chez les cinéastes anglais, cette valorisation obsessionnelle de l’adversaire. Rutger Hauer dans Blade Runner n’est rien de moins qu’un demi-dieu. Dans Zulu de Cy Enfield, qui est pour moi le sommet de la réflexion des Britanniques sur leur propre histoire, la nature quasi-divine de leurs adversaires justifie leur déroute coloniale. Chez Scott, le monstre est un héritage direct du cinéma de Terence Fisher. Celui-ci, avec son romantisme, voyait toujours dans le monstre une version supérieure, raffinée, de l’homme. La Bête est donc ici une étape lors de laquelle le Prince fait l’apprentissage d’une quasi-divinité avant de redevenir un être humain qui va bêcher la terre. Le plan qui le montre en train de s’occuper de ses fleurs au fond du jardin ne le rabaisse pas. Bien au contraire. Cette image est vue par celui qui a tout déclenché, par le père de Belle, celui-là même qui a commis l’imprudence de voler la rose. Il se réveille et, de sa fenêtre, voit ce couple formé par Belle et le Prince et qui constitue comme la résolution du péché originel qu’il a commis. Une image très hollywoodienne ! Ma passion pour le cinéma est juvénile et est largement héritée de ma mère, qui était fascinée par des films hollywoodiens. Je dois avoir hérité d’elle cette âme de midinette : cela fait partie du contrat que j’établis avec les spectateurs en réalisant un tel film.


Dans le récit de Madame de Villeneuve, le Belle est pratiquement abonnée à CanalSat, puisqu’elle dispose d’un certain nombre de fenêtres qui lui permettent d’assister en direct à des représentations d’opéras. Vous n’avez pas gardé dans votre film cet élément pourtant très visuel.


Oui, avec cette idée, Madame de Villeneuve avait carrément devancé le Château des Carpathes de Jules Verne. A l’origine, j’avais inclus une scène où l’on voyait des miroirs surgissant d’une pièce inondée et se mettant à tourner pour former une espèce de kaléidoscope. Et puis nous avons établi un devis pour une telle séquence… et elle est restée dans les cartons. Il reste de cette scène de très belles peintures que nous avions réalisées avant ce devis fatal !


Que pensez-vous du refrain, récemment repris dans le Figaro sur une double page, suivant lequel le cinéma français souffrirait essentiellement de la faiblesse de ses scénarios ?


Plus que les scénarios, c’est l’ambition du cinéma français qui est en souffrance. Toutes les histoires se valent, et nous savons tous que des films admirables ont été faits à partir d’histoires minimalistes. Admirables parce qu’ils portaient une vision.


Le cinéma français se sent depuis trop longtemps obligé de passer sous les fourches caudines de la télévision et il s’est instauré une sorte de nivellement au nom d’une tranche horaire qui — comble de l’ironie ! — n’est plus occupée aujourd’hui par des films français, mais par des séries américaines. Là où l’on programmait un film familial, il y a maintenant les Experts. Le paradoxe est total : nous nous mettons nous-mêmes dans une situation dont nous ne tirons finalement aucun avantage. Je ne trouverais pas catastrophique que la fin de la connivence télévision-cinéma soit entérinée une bonne fois pour toutes. En attendant, c’est sur ce schéma que le financement des films continue de se faire, comme si rien n’avait changé, comme si rien ne devait changer. Comme si le cinéma français occupait toujours la même part de marché. Comme s’il était toujours tiré par des superstars telles que de Funès ou Bourvil ou Bébel. Cet aveuglement entretient d’ailleurs un certain fatalisme. Nous serions moins bons que les autres… Notre culture serait sur le déclin… La Belle et la Bête entend contredire ces litanies. Notre culture et notre cinéma ont connu de grandes heures, et rien n’empêche d’y revenir. Nous pourrions de nouveau avoir des bateaux qui cinglent vers les tempêtes en arborant une grande bannière française, comme on le voit dans la première séquence de mon film.


Vous l’avez compris, j’ai une grande admiration pour le cinéma français des années quarante — ce qui ne veut pas dire que je n’aime pas le cinéma de la Nouvelle Vague, attention ! —, parce que ce cinéma, qui a produit entre autres la Belle et la Bête de Cocteau, était fondé sur une conjonction entre des adaptations de textes littéraires et une qualité artisanale éblouissante (costumes, décors, dialogues). Rien ne nous empêche de revenir à un tel principe.


Nous reprochons aux Américains d’avoir « segmenté » le public, mais nous faisons exactement la même chose qu’eux. Il y a les films pour classes urbaines supérieures, les films pour femmes actives, que sais-je ? Et il y a un public que l’on rejette, mais auquel moi, je fais attention parce que c’est celui que je croise à la Cinémathèque quand je vais revoir Carnet de bal de Duvivier, parce qu’il est la mémoire du cinéma que j’aime — le public du troisième âge. Mon cinéma s’adresse très ouvertement aux adolescents, mais il ne délaisse pas pour autant la classe d’âge des seniors. Je crois que c’est ce qui explique encore aujourd’hui le succès du Pacte des loups : la rencontre inattendue de la pop culture d’aujourd’hui avec une vieille légende du patrimoine !


J’entends beaucoup de gens avouer leur surprise devant le traitement lumineux de ma Belle et la Bête. Je leur dirai que traiter uniquement les aspects noirs d’un conte est acte de lâcheté. Irait-on tourner un western qui serait dépourvu de la violence inhérente au genre du western ? Il faut tout prendre. Le transgressif, le sombre, le gothique, le flamboyant. Mais aussi les choses mignonnes et même un peu mièvres. Oui, j’inclus dans la Belle et la Bête les scènes avec les sœurs, les scènes avec les petites bébêtes qui peuplent le château. Parce que je sais que le public les attend. Parce que je dois ces scènes aux gens qui viennent voir un tel film. Et donc, oui, je ne crains pas de jouer sur tous les tableaux.


Propos recueillis par FAL


Le conte original de Madame de Villeneuve est réédité chez Folio, dans une version malheureusement sensiblement tronquée, mais pour la très modique somme de 2€.

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