Palo Alto de Gia Coppola : amours ados


Dans la famille Coppola, je voudrais la petite-fille (de Francis) et nièce (de Sofia) : Gia, qui se lance à son tour dans l’aventure du long métrage.


« Contrairement à mon père, ma tante et mon oncle, je n’ai pas grandi dans le monde du cinéma. Il faut dire que eux ont accompagné mon grand-père sur ses tournages, ils étaient sans cesse sur le plateau, alors que pour moi, ce fut plus distant. Mes parents ont insisté pour que je suive des études, c’était très important pour eux. Et puis mon grand-père tournait moins quand j’ai eu l’âge de le suivre. J’ai d’abord fait ma propre éducation cinématographique avant de collaborer à Twix, le dernier film de mon grand-père. »


Gia a choisi de filmer les émois amoureux d’un petit groupe d’adolescents, plus désœuvrés que délinquants. Quatre s’en détachent : un jeune garçon qui n’ose avouer son amour à une amie de son âge, cette dernière qui se pose des questions quant à ses sentiments, un gamin déjanté qui accumule les conneries et pousse les autres à en faire, une ado qui paye de sa personne dans l’espoir de trouver le grand amour…


Tout cela tiré d’un recueil de nouvelles de James Franco.


« J’ai toujours aimé les films d’ados, confie Gia, parce qu’ils véhiculent beaucoup d’émotions. L’adolescence est le moment idéal pour représenter la complexité des émotions. A la fin de mes études, je suis tombée sur ce livre et je me suis dit que ce serait un beau sujet pour un premier film. Je me suis identifiée à tous les personnages, bien sûr, mais surtout à celui jouée par Emma Roberts. Son parcours est singulier et j’ai été étonné que James Franco, qui est un homme plus mûr, ait réussi à décrire les tourments de cette fille. »


Gia a sélectionné quatre nouvelles qu’elle a adaptées pour en faire un long métrage linéaire.


« La façon dont j’ai articulé les nouvelles a permis de construire un film choral avec plein de vignettes. James m’a laissé suivre ma propre direction. Il a été comme un professeur dans tout le processus d’écriture et il m’a poussé à explorer mes propres envies ; il voulait que je prenne mon envol. Il m’a laissé la distance suffisante pour évoluer, tout en gardant un regard bienveillant. »


Franco se retrouve à l’interprétation (un rôle de professeur de sport un peu trop amoureux de ses jeunes élèves) et dans la production.


« Ce film a été fait avec l’entourage de James Franco, non avec celui de la famille Coppola. Car s’appeler Coppola ça crée une pression supplémentaire quand on veut faire du cinéma ; il faut se hisser à la hauteur des attentes du public et des professionnels, garder la bonne réputation de la famille mais j’ai voulu faire mon propre film. Ni mon grand-père ni ma tante ne sont venus sur le tournage. Aujourd’hui, Sofia affirme qu’elle adore mon film, mais elle n’est sans doute pas très objective puisqu’elle fait partie de ma famille ! »


Cette jeunesse dorée sur tranche qui vit à Palo Alto, un coin chic qui suinte d’ennui, ne cesse de se chercher sans jamais se trouver vraiment.


« Je voulais montrer pourquoi ces ados sont comme cela. Dans le roman, par exemple, les parents sont quasiment absents mais il m’a semblé important de créer un contexte familial pour comprendre la vulnérabilité du rôle d’Emma qui souffre du manque d’attention de ses parents. Ces ado sont dans une jeunesse qui expérimente tout de manière extrême mais cela tient aussi au contexte dans lequel ils vivent : il n’y a pas grand-chose à faire. Ils vivent dans une certaine forme de frustration. »


Gia Coppola est arrivée au terme de sa première aventure. Un regard sur un groupe de jeunes, forcément plus proche de Virgin Suicides que du Parrain ! Les questions sont nombreuses, la sexualité omniprésente et l’avenir en forme de point d’interrogation. Mais le film existe bel et bien, sans doute première étape pour un nouveau destin de cinéaste.


« Etre réalisateur, c’est comme redevenir ado : vous êtes à fleur de peau, vous avez toujours peur de prendre les mauvaises décisions, vous vous cherchez… Autant j’étais confiante sur la partie cinématographique du film parce que j’ai fait des études de photographie, parce que j’adore m’occuper des décors, des costumes, de la musique ; autant je ne savais rien de la direction d’acteurs et ça me paniquait. J’ai essayé d’être le plus ouverte possible et j’ai croisé les doigts en espérant que ça marche… Aujourd’hui, ce que je retiens du cinéma c’est que vous partez avec des idées précises, une histoire en tête, vous travaillez au scénario, vous tournez, vous devez faire face à mille et un problèmes, vous voyez les acteurs magnifier votre histoire et tout cela se métamorphose sous vos yeux. Le film devient ce que les contraintes en font, le résultat finit par vous dépasser, vous devez accepter cette évidence qui fait que le film vit ce qu’il veut. Il finit par dépasser vos intentions premières mais le résultat est bien meilleur que tout ce que vous avez pu imaginer. »


Philippe Durant


Palo Alto

De Gia Coppola

Avec Emma Roberts, Jack Kilmer, James Franci, Nat Wolff

1h36 – Sortie le 11 juin 2014

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