Avengers : l'Ère d'Ultron

Lutter contre le Mal signifie-t-il forcément tout sacrifier, la liberté individuelle ou la vie personnelle ? Dans Avengers – L'ère d'Ultron coexistent deux visions du monde : une vision où la liberté individuelle est sacrée (Captain America) et une autre ultra-sécuritaire (Iron Man). En ce sens, le film prépare probablement le public à une prochaine histoire qui verra la communauté super-héroïque se déchirer autours de ces deux concepts. Principe assez récurant dans les comics Marvel, notamment Avengers où les individualités doivent combattre leurs antagonismes avant de chasser les vilains. C'est une des surprises d'un film calibré blockbuster grand public familial . Curieusement au moment où, en France, la loi sur le renseignement fait débat… Oui, les super-héros peuvent aussi parler politique entre deux empoignades pour sauver le monde.


Mieux : ils s'interrogent sur leur statut de héros et leur vie privée. Pendant que la plupart d'entre-eux font mumuse en se prenant pour des dieux omnipotents (mais superficiels, Tony Stark, inventeur de génie en tête), le plus faible d'entre-eux leur montre qu'on peut sauver le monde et vouloir se ressourcer auprès de sa famille, le plus simplement du monde, loin du bruit et de la fureur. Et voir la Veuve noire parler avec beaucoup d'émotion de sa stérilité, de son impression de n'être qu'un phénomène de foire (surtout qu'elle en parle à… Hulk !), bref de ses doutes et de ses craintes, on se dit que si Ultron n'est qu'un androïde, les héros souvent eux aussi bien propres sur eux, comme les jouets à leur effigie, commencent à aborder des thèmes inattendus.


Dans le premier Avengers, l'attention était portée sur la manière dont les héros allaient pouvoir cohabiter au sein d'un même film. Rappelons qu'il s'agissait d'organiser la rencontre de super-héros ayant déjà chacun un film à leur actif. Disney avait alors rempli son pari : de l'action écervelée, une pincée d'antagonisme gouailleur et des dialogues bourrés de bons mots pour un énorme carton au box-office. Mais ici, l'effet de surprise ne joue plus : on sait ce que cela va donner et comment les héros vont interagir. Les qualités du premier Avengers sont toujours là, qu'on se rassure, mais on peut s'attarder ici un peu plus sur le fond, et du coup, les défauts du scénario se font peut-être plus évidents. Ultron n'est au final qu'une énième version sans originalité de Frankenstein : l'être artificiel à la recherche d'humanité qui se retourne contre son créateur (ici, Tony Stark, alias Iron Man). La manière de filmer l'équipe tend de plus en plus vers le fan service, la volonté de capter à tout prix la belle image de groupe (au ralenti si possible) pour faire plaisir au public au détriment de la crédibilité de l'action. Et si clairement la production nous "vend" de manière un peu forcée (mais toujours habile) de nouveaux héros pour un troisième volet Avengers déjà annoncé, elle aura certainement beaucoup de mal à faire oublier la popularité de personnages comme Hulk, Thor ou Iron Man.


Autre gros problème : à force de vouloir lier tous ses films, Disney prend le risque de donner le sentiment que chaque film de la trame globale n'est qu'un petit bout, d'en amoindrir la portée. À la fin de L’Ère d'Ultron, il y a un petit côté "bon finalement, c'était pas si méchant par rapport à ce qui va arriver" alors qu'on vient d'assister à deux heures d'action où on nous a fait croire à l'Apocalypse, que le sort du monde était en jeu… L'inconvénient de la surenchère exponentielle permanente, en somme.


Avengers – L'ère d'Ultron laisse donc plus à voir qu'à réfléchir. On est à la fête foraine cinématographique, au stand des auto-tamponneuses ; on en sort assourdi et étourdi, la lumière des lampions plein les yeux. Mais combien de temps le genre super-héroïque pourra-t-il perdurer au cinéma avant que le public ne se lasse ? Car à privilégier systématiquement la forme au fond, le genre n'a toujours pas accouché du film phare qu'il mériterait. Certains réalisateurs commencent à creuser de nouvelles voies pour aller plus loin. Je pense à Alejandro González Iñárritu et son Birdman, par exemple. Dans Avengers, c'est quand le réalisateur Joss Whedon effleure la psychologie et la névrose de ses personnages que le film gagne une dimension supplémentaire. Comme on peut le lire régulièrement dans les comics : à suivre ?



Stéphane Le Troëdec



Film américain de Joss Whedon (2h22)

Sorti le 22 avril 2051 en France

avec Robert Downey Jr, Chris Evans, et Scarlett Johansson



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