Le sublime Nu au transept
Je vous ai précédemment présenté le croustillant et audacieux Suzanne et les croûtons de Claude Louis-Combet. D'un ton totalement différent vient de paraître du même auteur Le nu au transept, un texte délicieux et sensuel qu'on ne veut plus lâcher tellement tout y est beau et mystérieux ( et Dieu seul sait combien le mystère fait défaut aujourd’hui , cette époque de transparence et d’analyse forcenées).
Au soir de sa vie, alors qu’ils admirent ensemble La Baigneuse à la source de Courbet, le vieux prêtre Joseph raconte à son ami comment l’image de la nudité a troublé son âme lorsqu’il se préparait à formuler ses vœux.
Jeune séminariste alsacien tout habité de son Dieu, il pénètre un soir dans la cathédrale de Bourges pour s’y recueillir et se perd dans la contemplation bienheureuse de l’architecture gothique comme il aime le faire souvent. A sa sortie il entrevoit une femme entièrement nue qui se faufile dans les ruelles désertes. Cette nudité va le hanter, il va l’apercevoir à nouveau dans la cathédrale, évanescente, ici et là, il la fuit et la recherche, s’interroge sur ce que ces apparitions féminines suscitent en lui. Imaginaire ou réalité ? Que doit l’âme à la chair ? Mère originelle ou putain débauchée ? Le futur prêtre chemine vers la Femme sans jamais la rencontrer. Ce voyage intérieur le bouscule, le fait douter alors qu’il ne cesse de vouloir affirmer sa vocation de prêtrise.
Ce récit est un petit bijou où tout n'est qu'ordre fiévreux et
affolement voluptueux : la langue épurée, la sensualité minérale du lieu, l'atmosphère
mystique et charnelle, la pudeur dans l’élan
qui n’élude pourtant rien du désir, la
foi ébranlée qui pourtant s’exalte, les étonnantes
et fantastiques images en noir et blanc d’Yves
Verbièse qui illustrent les visions et le trouble de Joseph, tout y est
sublime.
Et même si le mot est tant appauvri par l’usage, j’ose affirmer que ce texte est absolument érotique.
Anne Bert
Claude Louis-Combet, Le nu au transept, Photos d'Yves Verbièse, L'Atelier Contemporain, novembre 2014, 92 pages, 15 euros.
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