« Tu sais que tu es… dandy comme Bowie »
Le philosophe Daniel Salvatore Schiffer voit, quant à lui, disparaître avec Bowie l’avatar absolu d’une figure esthétique à laquelle il a consacré de nombreuses et passionnantes recherches : le dandy. L’éloge posthume – petit par la taille, grand par l’expression – qu’il prononce vient clore, en toute logique, une trilogie entamée avec Lord Byron et poursuivie avec Oscar Wilde.
Convoquant donc l’auteur du Portrait de Dorian Gray, mais aussi Barbey d’Aurevilly, Baudelaire, Nietzsche, puis tous les spécialistes de la question (Sollers, Onfray, Marie-Christine Natta, etc.), Schiffer situe Bowie dans une « phénoménologie du dandysme » aux manifestations plurielles. Au fil de chapitres qui tiennent autant de l’oraison funèbre vibrante que du Magnificat, l’auteur débusque dans chaque pose (à ne pas confondre avec « posture ») de Bowie la griffe dandy qui la caractérise : la tendance à vouloir transmuter une vie en œuvre d’art ; la multiplication des doubles et des masques ; la fascination envers le « troisième sexe » ; l’hédonisme transgressif ; l’exercice d’une lucidité confinant à l’héroïsme pour combattre la souffrance et s’autoriser à clamer au seuil du néant : « Mort, où est ta victoire ? » ; la sublimation en astre noir, en Blackstar se consumant d’une flamme inverse, pour l’éternité.
Cet essai, bien que nourri d’éléments factuels et d’une connaissance imparable de la discographie de Bowie, n’a rien à voir avec ces sarcophages de papier que sont souvent les biographies. Certains s’irriteront du style déployé dans cet In memoriam, qu’ils jugeront emphatique, grandiloquent, d’une tapageuse démesure. Mais parle-t-on d’un dieu à demi-mots ? Schiffer ne s’est pas accaparé en opportuniste le masque mortuaire de son idole : il l’a rehaussé d’un nouveau fard et a précisé les contours des éclairs qui le zèbrent, pour le faire entrer dans la galerie des Dandys majuscules – ces éphémères qui ont conquis l’immortalité.
Frédéric SAENEN
Daniel Salvatore SCHIFFER, Petit éloge de David Bowie. Le dandy absolu, Éditions François Bourin, 180 pp.
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