Catwoman, tome 1 - La Règle du jeu

En 1994, Catwoman connut une première série régulière, profitant sans doute de la mémorable prestation de Michelle Pfeiffer dans Batman Le Défi. Le potentiel érotique du personnage n'échappant à personne, très vite, la série devint prétexte à montrer le corps de l'héroïne en costume moulant, bien aidé il est vrai par le style pour le moins exagéré de Jim Balent. La série s'arrêta en 2001, pour mieux redémarrer l'année suivante, aux mains d'une toute nouvelle équipe. Avec Ed Brubaker et Darwin Cooke (puis Cameron Stewart), Catwoman devint un polar urbain trépidant (1).


C'est pendant cette seconde série qu'Adam Hughes commence à dessiner les couvertures du titre. Et son arrivée va grandement impacter l'aspect graphique de l'héroïne : il réactive le sex appeal de la féline, tout en lui donnant le visage d'Audrey Hepburn et une combinaison luisante en latex noir (voir illustration ci-dessous). En 2011, DC Comics redémarre toutes ses séries via The New 52 (DC Renaissance en France). Les séries de l'éditeur doivent redevenir accessibles, être des portes d'entrée pour les nouveaux lecteurs… Et Catwoman est bien entendu concerné : la série recommence une troisième fois. Cette nouvelle série, dont on découvre ici les six premiers épisodes, fait la synthèse entre l'ambiance polar urbain et le look imaginé par Adam Hughes.


Dans ce premier tome, le scénariste Judd Winick ne prend jamais le temps d'expliquer les origines de son héroïne, de nous expliquer comment elle est devenue Catwoman. Pour un titre sensé être accessible aux débutants, c'est un choix pour le moins curieux. Et pour être tout à fait franc, le moins qu'on puisse dire, c'est que Winick a la chance d'avoir Guilhem March comme dessinateur. Car l'intrigue qu'il propose ici est des plus banales et manque clairement d'ambition. Pourtant le décor est le même que l'époque Brubaker, c'est-à-dire les bas-fonds de Gotham, les criminels, les ripoux, les petits voyous, et le monde de la nuit en général. Pourtant Catwoman est un personnage à fort potentiel : elle œuvre en marge du monde des super-héros. Ni vraiment criminelle, pas tout à fait héroïne : elle vole aux riches, mais sans jamais rien redistribuer. Elle couche avec Batman (mais pas Bruce Wayne, nuance), le représentant de la justice. Elle ne semble muée que par le défi que représente un vol. Il y a comme un brin de folie dans ce personnage.


Il y avait matière à raconter. Winick aurait pu développer une intrigue du genre La Main au collet, par exemple. Ou bien rentrer dans le détail de ses cambriolages comme dans Ocean Eleven. Mais non, il livre une intrigue plate : en gros, Catwoman vole les gens qu'il ne faut pas et en paie le prix, avant de se relever et recommencer. Le personnage de sa vieille amie et receleuse, Lola, est parachutée dans l'histoire en quelques cases et ne tient que le temps de trois lignes de dialogues avant de finir abattue. Le coup du meurtre pour justifier la croisade de l'héroïne est un classique du genre, mais là, c'est plutôt maladroit. Surtout quand Winick réinjecte une nouvelle ami receleuse quelques pages plus loin, on se dit qu'il y a de l'abus.


Par contre, Catwoman est un titre qui se lit vite. Les pages défilent, les épisodes se succèdent rapidement, et pas seulement parce que le scénario est léger. Il faut lui reconnaître que le titre glisse bien, le rythme y est, bien en adéquation avec son héroïne. Si ce qu'il raconte (mal) n'est pas passionnant, Winick le fait avec souplesse et vivacité.


Heureusement, il y a Guillem March. Le dessinateur espagnol doit donc s'employer pour porter le titre presque à lui tout seul. Et de ce côté-là, le pari est tenu. March mise tout sur le sex appeal du personnage. Son corps est donc montré dans des positions suggestives. La sensualité déborde presque des pages. Ce pourrait n'être qu'une succession de plans voyeuristes, oui mais voilà, March est sacrément doué à ce petit jeu. Catwoman, telle qu'elle est montrée ici, a tout de la grâce du félin. March s'amuse visiblement beaucoup, et nous avec. Il multiplie les poses les plus folles, mais aussi les plus dynamiques. Il réussit à la rendre tout à la fois sexy, inquiétante, sensuelle, écervelée, cinglée… (2) Bref, March a parfaitement digéré le travail d'Adam Hughes, et il en restitue sa vision, délicieuse.


Au final, Catwoman, dessinée par Guillem March, a du potentiel, qui repose évidemment sur sa plastique, mais pas uniquement. Il s'agira donc d'observer si dans le prochain tome, Judd Winick s'investit un peu plus et s’intéresse à son personnage autant que son dessinateur.



Stéphane Le Troëdec




(1) Leur travail est disponible en quatre tomes chez Urban Comics dans la collection Ed Brubaker présente Catwoman.

(2) Ce qui ne colle pas vraiment avec la version que l'on peut lire dans la série JLA, si on veut être tatillon



Judd Winick (scénario), Guillem March (dessins)

Catwoman, tome 1 – La Règle du jeu

Cet album compile les épisodes 1 à 6 de la série Catwoman publiée aux USA par DC Comics.

Édité en France par Urban Comics (8 juin 2012)

Collection DC Renaissance

160 pages papier glacé couleurs sous couverture cartonnée

15 euros

ISBN : 9782365770453

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