"Boxers & Saints", double album historique sur la guerre des Boxers

Combinant la fiction historique la plus juste avec le réalisme magique lié à la tradition culturelle chinoise, Boxers & Saints de Gene Luen Yang relate la révolte (ou guerre) des Boxers (1899-1901), littéralement "mouvement de l'union de la justice et de la concorde" qui libéra la Chine du joug occidental.  Cette guerre est le résultat des actions fomentés par la société secrète Yìhéquán (Poings de la justice et de la concorde), qui compta jusqu’à cent mille membres et qui se fit connaître pour ses actions xénophobes (anti-japonaises, anti-occidentales et anti-chrétiennes) et son opposition à la dynastie manchoue. Le nom de Boxer vient du fait que les membres de cette société pratiquaient le kung fu, dite boxe chinoise. S’il faudra attendre 1912 pour la création de la République de Chine et la chute de la dynastie Qing, cette guerre fut dune influence capitale et reste un grand moment dans l’histoire populaire de la Chine.

 

Gene Luen Yang retrace l’histoire vu des deux camps, les Boxeurs et les Saints (les Chinois lié au christianisme, à la modernité, ouverts aux occidentaux), en deux volumes qui se répondent en échos et que protège un très beau coffret. Dans Boxers le personnage principal, Bao, est un jeune paysan chinois dont le village a été pillé et maltraités par les Occidentaux, et qui évolue sous les ombres de ses frères plus âgés. Bao représente l'optimisme et la conviction qu'ils vont repousser les "diables étrangers", à savoir les prédicateurs chrétiens et leurs convertis chinois. De l'autre côté, les chinois "saints" qui veulent croire à a modernité qui pourra sortir la Chine de son carcan médiéval... Quatrième est une jeune chinoise qui va avoir des visions de Jeanne d'Arc et dont le destin va croiser celui de Bao. La vérité est à chercher dans l'entre-deux.


Yang  présente les espoirs et les atrocités des deux côtés, réussissant à montrer et à incarner les motivations distinctes des deux camps, aussi bien qu'à illustrer la guerre terriblement violente, malgré un trait clair et des couleurs douces. Le talent de Yang est de réussir à rendre accessible à tous ce conflit particulièrement compliqué (politique aussi bien qu'ésotérique) en donnant les deux points de vue sur la même vérité et sans prendre parti : la guerre est née des différences culturelles et de l'ignorance et la propagande délibérée de deux camps. On retrouve là les thèmes chers à Yang, la relation entre les Chinois et la culture occidentale, la religion, le surnaturel, la jeunesse, la formation de l'identité, la famille,  et les obligations morales.

 

 

Loïc Di Stefano

 

Gene Luen Yang, Boxers & Saints, Delcourt, octobre 2015, 512 pages, 29,95 eur


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