Leslie Winer : la poésie hors de ses gonds

                   


 

L’écriture de Leslie Winer - égérie qui brûla la vie par les deux bouts auprès de Basquiat et Burroughs avant de rentrer dans le rang - ressemble  à un poisson sans mère ou à une mer sans poisson. S’il en demeure un il se retrouve noyé dans un flot où il perd son las teint. Celle qui fut le mannequin vedette maigre comme un clou pour rendre les hommes marteaux puis auteur d’un album culte fait désormais  de sa spoken poetry punk une suite de lents pions et de psycho pâte. L’ex dissolue, sacrilège, profanatrice, aventureuse, fiévreuse, forcenée, méphitique, miasmatique, non conformisme crée un habile babil afin que le roman tique. Idem pour la poésie : elle parle pour feindre de ne rien dire puisque désormais ses auditeurs font les sourds.



 

Si les chauves n'aiment pas les cantatrices du style Leslie Winer  celle-ci leur rend bien. Elle les renvoie à l’état de pères oxydés dans un texte ou l’épique nique ceux qui tels des pros consultent uniquement l’écriture de mort scellée. A l’inverse son écriture morcelle le logos. Sa musique en La miné n’a plus rien d’un rond flanc. Si Proust trempait ses madeleines dans le thé, l’américain préfère la poésie athée où la transe (lucide ou non) devient une morphine. Les mots s’aèrent dans « O Walt ». Il s’envole au vent. Preuve que les mots ne manquent jamais d’air et que la fin d’un mot tronqué n’est pas la fin du monde mais la perspective d’un espoir insensé où se fécondent le clair obscur. Que sa lumière soit !

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 Leslie Winer, « O Walt », Editions Derrière la Salle de bain, Rouen, 2014, 10 €.

 

 

Aucun commentaire pour ce contenu.