Les mains lasses de Jackson Pollock

 Il est des artistes plus ailés que les autres même s’ils finissent écrasés par leur vol en des altitudes insensées. Avec un « rameau » et sans bouger la tête Pollock fut de ceux là. Il se déplaça sur ses toiles jusqu’à épuiser les possibilités par ses «chorégraphies». Rien ne le prédisposait pourtant à montrer que l’être n’est pas que du vide :

« Avec quatre frères à la ferme / Vêtements froissés, les yeux fixant l’herbe / Etudiant entre le petit-déjeuner et le dîner  / Les différents replis de la nature / Explorant la substance matérielle / Sa vision à l’unisson avec l’imperceptible / Une cigarette allumée à sa belle bouche  / Il devança ses frères »

et se tint seul, extraordinairement tranquille et occupé trempant son bâton dans la peinture en d’immenses coups d’ailes jusqu’à ce que la mort s’ensuive. Doué, s’occupant de l’occulte de manière tellurique il a guéri la peinture de ses penchants à la fausse expressivité pour n’en  garder que les ressources qui en firent un art total et métapsychique. Le poète grecque Babassakis se cale à l’horizon de cette peinture pour « chanter » la vie et la mort de Pollock. Une force étrange pousse ce poème qui montre en peu de vers les affres d’une souffrance qui ne pouvait sortir du crâne que lorsqu’elle s’étalait sur des surfaces vierges. Une sorte de rage la conduisait irrésistiblement là, de manière inédite, agglutinante, ailée, loin des vieux mécanismes. Penché sur la toile Pollock accomplissait une prouesse surhumaine dans l’apprentissage de la vitesse voué visiblement à un échec existentiel sans qu’on puisse dire vraiment lequel.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


George-Icaros Babassakis, « Blues pour Jackson Pollock », Editions Derriere la salle de bains, Rouen, 10 €.

 

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