L'actrice française est une femme comme les autres (enfin presque)

Voici un petit dictionnaire insolent.


J’écris bien « insolent » et non « iconoclaste » ni «dévastateur ». Les deux auteures s’amusent à se moquer gentiment des travers des comédiennes. Des coups de griffe jamais de coups de boutoir. Que nos gloires de l’écran se rassurent : ce livre ne risque pas de les faire tomber de leur piédestal. Même si elles y apparaissent souvent ridicules, elles en ressortent toujours indemnes. À lire ces quelque que 200 pages on se croirait à un dîner avec deux copines connaissant bien leur sujet lançant des piques pour amuser la galerie. Plaisant.


Conversations de salons, donc. Car, autant prévenir le lecteur (et plus probablement la lectrice) tout de suite : ici point de révélations sensationnelles, foin de scoop, pas même de vrais regards dans la coulisse. On se contente de se moquer des travers et de souligner certains comportements pas toujours honorables.


Comme tout bon dictionnaire qui se respecte, celui-ci suit l’ordre alphabétique avec des notules d’une part sur certaines actrices dûment choisies et d’autre part sur des faits ou des phénomènes les concernant (le festival de Cannes, la moue qui caractérise certaines et même la fellation !).


Les textes sur les personnalités me paraissent dénués du moindre intérêt. Ils se contentent de généralités basiques agrémentées de commentaires fielleux. Ça ne va pas très loin et ça ne vole pas très haut. En revanche – et c’est là leur véritable intérêt – ils sont systématiquement suivis par une douzaine de citations tirées de moult revues soulignant la vacuité des propos de nos déesses de l’écran. Ces bouts de phrases sont tellement limpides qu’ils se passent, finalement, de tout commentaire. On en redemande !


Je préfère, et de beaucoup, les autres sujets qui me paraissent plus originaux. Et plus fins. Ainsi, souvent, les auteures donnent des conseils faussement judicieux quoique pertinents. Les attitudes à adopter (ou à éviter) pour la montée des marches du Festival de Cannes valent à elles seules leur pesant de pistaches. C’est dans ces passages que ce livre trouve son véritable suc. À regretter toutefois un manque de précision dans les « attaques ». Les généralités créent un flou alors qu’il est évident que les auteures pourraient en dire plus, mieux « cibler » ; elles possèdent la documentation et les connaissances pour.


S’efforçant de ne rien respecter – tout en refusant de sa fâcher avec quiconque – Florence Trédez et Maud Fournier ne respectent pas même le titre de leur livre. Volontairement bien sûr ; espiègles qu’elles sont. Ainsi en guise « d’actrices françaises », elles nous balancent du belge (Cécile de France, Yolande Moreau), du Hollandais (Maruschka Detmers) et même de l’Américain (Kristen Stewart). Cette dernière bénéficie d’ailleurs d’un texte laudateur tout à fait étonnant (preuve que toutes les comédiennes ne sont pas logées à la même enseigne). Une succession de louanges et de satisfecit qui pourraient finir par paraître suspectes. D’autres bénéficient d’un traitement de faveur si ce n’est identique, au moins s’en rapprochant : Valérie Lemercier, Karin Viard et l’indétrônable Catherine Deneuve.


Voilà, c’est tout.


Ah non ! Encore une toute petite chose ! Pourquoi ce traitement plein de morgue et d’arrogance vis-à-vis des pièces de boulevard jouées dans des théâtres privés (p 126) ? À ma connaissance Jacqueline Maillan a fait la majeure partie de sa carrière dans ces lieux et je ne pense pas que l’on puisse la considérer comme une mauvaise actrice ni même comme un second couteau…


Philippe Durant


Florence Trédez et Maud Fournier, L'actrice française est une femme comme les autres (enfin presque)Don Quichotte, novembre 2015, 215 pages, 16,90 €

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