Pierre Grouix et le temps suspendu

                   

 

Pierre Grouix perce fragments par fragments la débandade des horizons afin de montrer les confins où s’amorce la fragilité de l’existence. Promesse de l’écorce rompue, odeur de tête : une densité se retrouve. Si proche, si loin. Si loin, derrière le regard. Une rupture s’annonce par l’écharde des anciens élancements de lumière et d’ombre. L’auteur saisit par le revers ce qu’on oublie de retenir et parfois même de contempler avec nos regards aux paupières de porcelaine. Une méditation et une exaltation s’unissent par un mouvement de dilatation comme de concentration. Le monde est provisoirement suspendu comme lorsqu’on tombe de sommeil. Le réel revisité donne lieu à d’autres traces ou leurs glissements, leurs passages. Le poète noue des entrelacs, crée des enchâssements qui font enfler l’ombre.  Attente et lente ascension reprennent. Nul besoin de l’audace ailée des migrateurs. La nuit pourra désormais gagner sur le fusain frais des lisières. L’œuvre témoigne d’une chute mais aussi d’une remontée. Nous voici dans le moins du monde ou plutôt dans son intégralité. Comme s’il fallait repartir à zéro au moment où tout est « appelé à disparaître ».

 

J-Paul Gavard-Perret


Pierre Grouix ; « Appelé à disparaître », Editions du Littéraire, Paris, 108 p., 11 E., 2014

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